Arthrite juvénile idiopathique.
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- Mis à jour le 8 octobre 2015
El Maghraoui Abdellah
Service de Rhumatologie, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat, Maroc.
L’arthrite juvénile idiopathique (AJI) est un terme qui regroupe toutes les formes d’arthrites qui commencent avant l’âge de 16 ans, qui persistent plus de six semaines et qui n’ont aucune cause connue. C’est donc un diagnostic d’exclusion (Tableau 1) qui inclut toutes les formes d’arthrites chroniques de l’enfant de cause inconnue. Comme il n’est pas possible de distinguer les AJI selon leur pathogénie, toujours mal comprise, ce groupe hétérogène de maladies a été classé selon des caractéristiques cliniques et biologiques en essayant de rassembler des catégories homogènes s’excluant mutuellement[1]. Les conséquences de ces maladies pour les enfants atteints peuvent être dramatiques. Les progrès récents dans la connaissance de la physiopathologie et l’arrivée des biothérapies ont largement contribué à améliorer le pronostic avec une prise en charge de mieux en mieux codifiée[2]. L’AJI est une pathologie rare (au sens de la définition OMS), mais non exceptionnelle. L’incidence et la prévalence sont respectivement estimées à deux à 20 sur 100000 enfants et 16 à 150 sur 100000 enfants. Cette grande variabilité́ est expliquée par les différences de méthodologie utilisées dans les études[3].
Classification
La classification des AJI a fait l’objet d’un long cheminement et a été source de grandes confusions entre les Nord-Américains qui utilisaient le terme d’arthrite rhumatoïde juvénile (par opposition au rhumatisme articulaire aigu) et les Européens adeptes du terme arthrite chronique juvénile. In fine, en 1996, a été́ établie la première classification internationale (ILAR) qui a secondairement fait l’objet de révisions en 1997 (Durban), puis en 2001 (Edmonton). Le but de ces révisions étant d’améliorer la spécificité́ des critères permettant de réduire l’hétérogénéité de chaque groupe ainsi que le pourcentage d’arthrites inclassées[4].
La classification ILAR 2001 définit six catégories différentes: forme systémique, forme oligoarticulaire qui se décompose en deux sous-groupes (oligoarticulaire persistante ou extensive) en fonction de l’évolution après six mois, forme polyarticulaire avec facteur rhumatoïde, forme polyarticulaire sans facteur rhumatoïde, arthrite et enthésite, et arthrite psoriasique. Le principe de cette classification repose sur la notion de catégories mutuellement exclusives, c’est-à-dire définies par des critères d’inclusion et d’exclusion. De ce fait, il existe une septième catégorie d’arthrites inclassées ou indifférenciées pour les patients ne répondant pas aux critères d’une catégorie ou au contraire répondant aux critères de deux catégories ou plus (Tableau 2).
Au-delà de cette classification, très utile pour classer les patients et parler le même langage, il est actuellement possible d’individualiser deux groupes de catégories : des catégories bien définies où la maladie constitue une entité homogène et des catégories encore floues où se mélangent différentes formes cliniques très polymorphes.
1.Catégories bien définies
- l’AJI systémique (AJIs) dite aussi maladie de Still et qui peut se voir à l’âge adulte. En effet, l’AJIs est un groupe particulier caractérisé par un sex-ratio de 1, la présence de signes systémiques bruyants et d’un syndrome inflammatoire majeur. Ces éléments et les données pathogéniques actuelles suggèrent fortement un mécanisme de type auto-inflammatoire en rapport avec une anomalie de l’immunité innée, ce qui la différencie des autres catégories à mécanisme auto-immun.
- L’AJI polyarticulaire avec facteur rhumatoïde : la sémiologie et le terrain génétique DR1 et DR4 des AJI polyarticulaires avec facteur rhumatoïde montrent qu’il s’agit d’une forme juvénile de la polyarthrite rhumatoïde. Une majorité des enfants a des anticorps anti-CCP. La seule différence avec la forme adulte, c’est les conséquences de la maladie sur un squelette en croissance.
- Les arthrites avec enthésites correspondent aux spondylarthropathies dont elles partagent le sex-ratio (G/F = 7/1) et le terrain génétique (Antigène HLA B27).
- Les oligoarthrites avec facteurs antinucléaires (FAN) constituent une entité spécifiquement pédiatrique, caractérisées par un sex-ratio (F/G=8/1), un âge de début précoce (2–4 ans), et un risque élevé d’uvéite chronique.
1.Catégories moins bien dé:
- le groupe des AJI polyarticulaires sans facteur rhumatoïde reste hétérogène et objet de discussion. En effet, il regroupe d’authentiques polyarthrites de type rhumatoïde mais sans facteur rhumatoïde, des AJI très superposables aux oligoarthrites extensives avec facteurs antinucléaires, et de rares formes enraidissantes non hydarthrodiales dont l’identité reste l’objet d’études et d’hypothèses.
- Les oligoarthrites sans FAN qui ne distinguent des polyarthrites sans facteur rhumatoïde que par le nombre d’articulations atteintes.
- Les arthrites avec psoriasis regroupent également d’authentiques rhumatismes psoriasiques mais aussi des spondylarthopathies ou des oligo ou polyarthrites avec un psoriaisis cutané. Par ailleurs, l’existence dans les antécédents familiaux de psoriasis cutané est une des causes les plus importantes de non-classification chez les patients présentant tous les critères d’oligoarthrite.
De ce fait, des auteurs italiens ont émis l’hypothèse que la prise en compte de la topographie de l’atteinte articulaire initiale et de la présence de FAN permettait de définir des groupes homogènes aux plans clinique et évolutif. En conclusion, la classification ILAR basée sur des critères essentiellement cliniques comporte encore des imperfections qui devraient vraisemblablement être améliorées par la prise en compte des FAN, et surtout l’analyse des profils génétiques des différentes catégories d’AJI.
Manifestations cliniques
Il est de plus en plus évident aujourd’hui que la classification de l’AJI identifie différents sous groupes parmi lesquels quelques uns sont des maladies distinctes aussi bien par leur mode de présentation, manifestations cliniques et biologiques et parfois génétiques[5].
Forme systémique
Un certain nombre d’observations montrent que la forme systémique de l’AJI est sous tendue par des mécanismes différents de ceux des autres formes d’AJI et qu’elle a majoritairement une composante auto-inflammatoire.
La maladie survient de manière égale chez les garçons et les filles et n’a pas d’âge de début de prédilection. Un début à l’âge adulte est possible mais rare (maladie de Still de l’adulte). Le diagnostic de cette forme nécessite la présence d’une arthrite accompagnée ou précédée d’une fièvre d’au moins deux semaines avec un ou plus des signes suivants : un rash cutané typiquement évanescent et fugace coïncidant avec les pics fébriles, une hépatomégalie, une splénomégalie, une adénomégalie ou une polysérite. Des myalgies ou une douleur abdominale intense peuvent être observés au moment des pics fébriles. L’arthrite est souvent symétrique et polyarticulaire et peut être absente au début et apparaître avec l’évolution. Les examens biologiques montrent une hyperleucocytose à neutrophiles, une VS et une CRP très élevées et une thrombocytose. Une anémie est fréquente et souvent microcytaire (vraisemblablement liée à la séquestration du fer sous l’influence de l’IL6).
Environ 5-8% des enfants développent une complication grave mettant en jeu le pronostic vital : le syndrome d’activation macrophagique. Ce syndrome est caractérisé par un début aigu fait de fièvre persistante, pancytopénie, hépatosplénomégalie, insuffisance hépatique, coagulopathie et signes hémorragiques. Biologiquement, on observe une hypertriglycéridémie, une hyponatrémie et une augmentation de la férritinémie. Il est fréquent d’observer une phagocytose active des cellules hématopoiétiques par les macropahages.
Les signes systémiques, le syndrome inflammatoire biologique intense, le sex-ratio équilibré, l’absence de pic d’âge de début et l’absence d’auto anticorps sont très concordants avec ce qui est observé dans les maladies auto-inflammatoires. La réponse au traitement est également distincte. Les glucocorticoïdes sont souvent nécessaires pour contrôler les signes systémiques, mais les résultats des traitements par méthotrexate et par traitements anti-tumor necrosis factor (TNF) sont décevants en comparaison de leurs très bons résultats dans les autres formes d’AJI. Les traitements avec des agents anti-IL-6 ou anti-IL-1 se sont avérés très efficaces, confirmant que la pathogénie de l’AJIs est à part des autres formes d’AJI.
Forme oligoarticulaire
Cette forme est définie par l’atteinte de quatre articulations ou moins pendant les six premiers mois d’évolution de la maladie. Selon la classification de l’ILAR, les enfants répondants à cette définition en seront exclus s’ils ont un psoriasis, des antécédents familiaux de psoriasis, une maladie associée à l’antigène HLA B27 chez un parent de premier degré, un FR positif ou si la maladie survient chez un garçon de plus de 6 ans.
Cette forme est probablement hétérogène et un sous type se distingue nettement : il s’agit d’une maladie qui n’a pas d’équivalent chez l’adulte et qui est caractérisée par une oligoarthrite asymétrique débutant avant 6 ans, prédominant chez les filles et s’associant à la présence de FAN et un risque élevé d’iridocyclite (uvéite antérieure chronique non granulomateuse mettant en jeu le pronostic visuel). L’homogénéité de ce sous groupe est soulignée par l’association fréquente à certains allèles HLA (HLA-A2, HLA-DRB1*11 et HLA-DRB1*08). L’oligoarthrite prédomine aux membres inférieurs et dans 30 à 50% des cas, il s’agit d’une atteinte monoarticulaire. La VS et la CRP sont souvent normales ou modérément élevées. Les FAN sont positifs dans 70 à 80% des cas.
La classification ILAR distingue 2 sous groupes : une forme oligoarticulaire persistante (qui reste confinée à 4 articulations touchées ou moins) et une forme extensive où l’atteinte peut devenir polyarticulaire avec l’évolution (au delà de 6 mois).
L’iridocyclite est un signe caractéristique de la forme oligoarticulaire et touche 30% des patients. Le début est insidieux et souvent asymptomatique ce qui la distngue de l’uvéite antérieure aigue douloureuse observée dans la forme avec enthésite. Dans la majorité des cas, l’iridocyclite survient dans les 5 à 7 premières années d’évolution de la maladie souvent en même temps ou quelques temps après le début de l’arthrite et peut même précéder l’arthrite dans moins de 10% des cas. Son évolution se fait par poussées indépendantes de l’évolution de l’arthrite et ce sont les patients avec FAN qui sont les plus à risque de la développer. L’iridocyclite chronique peut être observée dans d’autres formes d’AJI essentiellement si les FAN sont positifs: les formes polyarticulaires séronégatives et les formes avec psoriasis. Comme elle peut être asymptomatique, il est conseillé de faire un examen ophtalmologique systématique tous les 3 à 6 mois en fonction du risque.
La polyarthrite avec FR
Elle est définie par une arthrite de plus de cinq articulations évoluant plus de 6 mois avec présence de FR positifs à au moins 2 occasions à 3 mois d’intervalle. Il s’agit de la forme juvénile de la PR qui est le plus souvent observée chez les filles adolescentes. La présentation typique est une polyarthrite symétrique atteignant les petites articulations des mains et pieds. Les grosses articulations peuvent également être touchées. Des nodules rhumatoïdes peuvent être présents aux sièges habituels dans un tiers des cas. Les atteintes extra-articulaires sévères sont très rares (insuffisance aortique).
Forme polyarticulaire sans FR
Cette forme est définie par une atteinte polyarticulaire durant plus de 6 mois sans FR. cette forme est vraisemblablement hétérogène regroupant au moins 3 différents sous types :
- le premier est une forme ressemblant aux formes oligoarticulaires dont elle ne se différencie que par le nombre d’articulations atteintes. Il s’agit souvent d’une atteinte asymétrique débutant à la première enfance avec une prédominance féminine et avec la présence fréquente de FAN, risque élevé d’iridocyclite et association fréquente au gène HLA DRB1*0801. Ceci a poussé certains auteurs à considérer que ces 2 formes sont deux facettes de la même maladie et seul le nombre d’articulations touchées au début les distingue.
- une polyarthrite séronégative ressemblant aux PR séronégatives de l’adulte. Elle est caractérisée par une polyarthrite symétrique des grosses et petites articulations débutant à l’âge scolaire avec VS élevée, FAN négatifs et pronostic variable.
- la troisième forme est appelée synovite sèche avec une raideur articulaire sans gonflement, flessum des articulations atteintes et VS normale ou légèrement élevée. Cette forme répond mal aux traitements et peut avoir une évolution destructrice.
Forme arthrite et enthésite
Cette forme qui fait partie des spondylarthropathies touche les garçons de plus de six ans et est caractérisée par l’association d’une arthrite et d’une enthésite. La majorité des patients sont HLA B27 positifs. Les sites les plus touchés par l’enthésite sont l’insertion calcanéenne du tendon d’Achille, l’aponévrose plantaire et le tarse. Concernant l’atteinte articulaire, il s’agit souvent d’une oligoarthrite asymétrique touchant souvent les membres inférieurs et pouvant toucher les hanches. Chez certains patients, les sacroiliaques et le rachis sont touchés donnant un tableau typique de spondylarthite ankylosante.
Rhumatisme psoriasique
Cette forme est définie par la présence d’une arthrite et un psoriasis cutané typique ou s’il est absent par la présence d’au moins deux critères parmi : des antécédents de psoriasis dans la famille de premier degré, une dactylite ou une atteinte unguéale. Cette définition soulève cependant beaucoup de critiques car cette forme est vraisemblablement très hétérogène regroupant des spondylarthropathies, des formes oligoaticulaires avec FAN positifs et risque élevé d’iridocyclite et aussi des formes polyarticulaires FR négatives.
Formes inclassées
Cette forme regroupe toutes les atteintes articulaires inflammatoires chroniques ne rentrant dans aucune des catégories précédentes ou rentrant dans plusieurs à la fois.
Evolution et pronostic
Les études évaluant le pronostic de l’AJI a montré des résultats discordants. La plupart des études ont montré que seules 40 à 60% des patients avaient une maladie inactive dans le suivi. Malgré cela, les études récentes ont montré que le pronostic s’est globalement amélioré ces dix dernières années avec seulement entre 2 et 10% des patients ayant une impotence fonctionnelle sévère dans le suivi (stades III et IV de Steinbrocker). Des marqueurs de mauvais pronostic ont été identifiés : sévérité et extension de l’atteinte au début, atteinte symétrique, atteinte précoce du poignet ou de la hanche, présence de FR, activité persistante de la maladie et atteinte érosive précoce sur les radiographies. Une surveillance ophtalmologique avec examen par lampe à fente systématique est recommandée tous les 3 mois durant les 5 premières années, puis tous les 6 mois entre la 5e et la 7e année d’évolution, ensuite tous les ans.[6]
L’AJIs a une évolution variable. Dans la moitié des cas, la maladie évolue par poussées suivies de périodes de rémission. Dans l’autre moitié, la maladie évolue sur un mode chronique. Souvent, les signes systémiques finissent par disparaître et le patient a une arthrite chronique destructrice comme principale plainte. Cette forme est certainement la forme la plus sévère des AJI. Le syndrome d’activation macrophagique peut mettre en jeu le pronostic vital et doit être reconnu tôt et traité de façon active.
Les patients avec oligoarthrite ont généralement le meilleur pronostic. Néanmoins, certains auteurs ont rapporté un taux de rémission après 6 à 10 ans d’évolution de seulement 23 à 47% des cas. L’atteinte érosive est plus fréquente dans les formes polyarticulaires. L’iridocyclite, si elle n’est pas traitée tôt peut laisser des séquelles (synéchies, glaucome, cataracte).
La forme polyarticulaire avec FR évolue comme la PR de l’adulte vers une atteinte déformante et destructrice. La polyarthrite séronégative et le rhumatisme psoriasique ont un pronostic variable témoignant de l’hétérogénéité de ces formes. A forme arthrite enthésite a également un pronostic variable avec certains patients développant progressivement des signes axiaux.
La particularité de l’évolution des formes chroniques d’AJI est représentée par les dégâts considérables de la maladie sur un squelette en croissance responsable de déformations caractéristiques (micrognatisme, inégalité de longueur des membres inférieurs, troubles de la croissance de la hanche). Dans les formes les plus sévères, essentiellement les formes systémiques, la maladie et ses traitements (corticothérapie au long cours) peuvent causer un retard de croissance et une ostéoporose. La fréquence des consultations devra être régulière et s’effectuer dans un centre spécialisé.
Traitement
La prise en charge de l’AJI est basée sur des mesures pharmacologiques et non pharmacologiques et un soutien psychologique et social[7]. On ne dispose toujours pas de médicaments capables de guérir cette pathologie mais les progrès récents ont très largement amélioré le pronostic de cette affection. Le but du traitement sera de contrôler totalement la maladie, de préserver l’intégrité physique et psychologique de l’enfant et de prévenir les conséquences à long terme de la maladie et de ses traitements. Ceci passe par un suivi régulier où l’activité de la maladie et les dégâts structuraux sont évalués périodiquement. Comme l’AJI n’est pas une maladie unique, la prise en charge va varier en fonction de la forme clinique. Il est cependant difficile au début d’identifier quel enfant aura une forme chronique avec un risque élevé de destruction articulaire[8].
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Ils ont été le principal traitement de la maladie pendant plusieurs dizaines d’années. Ils restent importants au début chez la plupart des enfants pour soulager les symptômes inflammatoires en attendant de confirmer le diagnostic.
Seules quelques molécules sont approuvées chez l’enfant : il s’agit du naproxène, de l’ibuprofène et du diclofénac. Ils sont généralement bien tolérés par les enfants et les effets secondaires sont plus rares que chez les adultes. L’expérience avec les nouveaux AINS reste limitée mais des essais ont testé le célécoxib et le méloxicam qui semblent efficaces et bien tolérés par les enfants.
Les infiltrations de corticoïdes
Les injections intra-articulaires d’héxacétonide de triamcinolone sont très utiles notamment dans les formes mono ou oligoarticulaires. Elles sont rapidement efficaces et permettent de briser le cercle vicieux responsable des déformations articulaires.
La corticothérapie par voie orale
Elle doit être réservée à certaines formes d’AJI à cause de la toxicité des corticoïdes au long cours sur le squelette en croissance qui est supérieure à tous les bénéfices sur le soulagement des symptômes. Les fortes doses peuvent être utilisées en cures courtes dans les formes systémiques pour juguler une poussée alors qu’une utilisation des petites doses dans les formes polyarticulaires chroniques peut être instaurée en attendant l’effet des traitements de fond.
Les traitements de fond (DMARDs)
- Le méthotrexate : il est devenu le traitement de référence des arthrites persistantes et actives en raison de son efficacité démontrée et de ses effets indésirables relativement acceptables. L’amélioration des patients est constatée dès 6 à 12 semaines. La dose actuellement retenue qui donne le maximum d’effet est de 15 mg/m2/semaine. La supplémentation par de l’acide folique ou folinique pourrait permettre de prévenir la toxicité digestive ou hépatique.
- Les autres DMARDs classiques : des études ont testé la sulafasalazine et ont montré une efficacité modérée dans les formes oligoarticulaires et dans les spondylarthropathies. Un essai a évalué le leflunomide dans l’AJI polyarticulaire mais l’expérience avec ce produit est limitée. D’autres études ont évalué la cyclosporine ou la thalidomide et ont montré des résultats mitigés : une efficacité modérée et une importante toxicité.
Les biothérapies
- Les anti-TNFs : l’efficacité de l’etanercept a été démontrée dans tout d’abord dans un essai à la dose de 0,4 mg/Kg en 2 injections sous cutanées par semaine dans les polyarthrites chroniques résistant au méthotrexate[9]. D’autres études ont par la suite confirmé l’efficacité et la bonne tolérance de ce traitement (avec une efficacité similaire pour une dose unique hebdomadaire de 0,8 mg/Kg). Des études avec les autres anti-TNF (infliximab et adalimumab) ont été réalisées par la suite. Seul l’étanercept et l’adalimumab ont pour le moment l’AMM dans cette indication puisqu’il n'y a pas eu encore d'évidence de l'efficacité de l'infliximab dans cette indication. Des études ont également montré que ces molécules peuvent jouer un rôle important dans la prise en charge des spondylarthropathies juvéniles. Il est évidemment important d’éliminer une tuberculose avant d’envisager ce traitement pour éviter les réactivations.
- Le tocilizumab : l’implication importante de l’IL6 dans la physiopathologie de l’AJI et notamment dans l’AJIs a encouragé l’essai du tocilizumab avec des résultats impressionnants. Yakota et al.[10] et De Benedetti et al.[11] ont montré dans des essais contrôlés l’efficacité et la bonne tolérance du tocilizumab dans les formes systémiques de l’AJI ne répondant pas aux traitements classiques (corticoïdes et méthotrexate) et même aux anti-TNFs. Un essai est actuellement en cours également dans les formes polyarticulaires[12].
- Les anti-IL1 (anakinra, canakinumab) ont démontré une efficacité remarquable dans certaines formes systémiques. Chez les patients répondeurs, les signes cliniques et biologiques s’amendent en quelques jours. Les patients qui ne répondent pas dans les premiers jours ont peu de chance de répondre en différé. Il a également été suggéré qu’un traitement précoce par anakinra pouvait prévenir l’apparition secondaire d’arthrites réfractaires. Le traitement par le canakinumab a pour avantage potentiel, chez les patients répondeurs est qu’une injection unique peut induire une rémission prolongée de plusieurs semaines ou mois[13].
- Les autres biothérapies : quelques travaux ont rapporté l’efficacité de l’abatacept dans de petites séries d’AJI[14].
Stratégie thérapeutique
La stratégie de prise en charge de l’AJI est basée actuellement sur les formes cliniques de présentation, l’activité de la maladie et la présence de facteurs de mauvais pronostic spécifiques à chaque forme[15]. On peut la schématiser en distinguant quatre grands groupes :
- Dans le groupe d’enfants avec une atteinte oligoarticulaire persistante, il est recommandé de traiter en premier par les AINS, avec des injections intra-articulaires d’héxacétonide de triamcinolone. Si ce traitement n’est pas suffisant, le méthotrexate est le traitement de choix. Les anti-TNFs peuvent être proposés en 3ème ligne, notamment dans les formes avec enthésite.
- Les enfants ayant une forme polyarticulaire d’emblée nécessitent le méthotrexate dès que le diagnostic est posé en se rappelant qu’un traitement agressif a des bénéfices à long terme sur le pronostic. En cas d’échec, les anti-TNFs doivent être discutés s’il existe des facteurs de mauvais pronostic. En cas d‘échec d’un anti-TNF, un autre anti-TNF peut être essayé ou une autre biothérapie : tocilizumab ou abatacept.
- Le troisième groupe concerne les enfants avec sacroiliite active. Ils seront traités par des AINS, puis en cas d’échec le méthotrexate ou la sulfasalazine et enfin les anti-TNFs.
- Enfin en cas de forme systémique, les AINS et la corticothérapie sont utilisés en premier en prenant les précautions nécessaires usuelles chez l’enfant. Les formes avec des signes systémiques au premier plan seront traitées en cas d’échec par les inhibiteurs de l’IL1 ou le tocilizumab. A noter que certaines équipes utilisent d'emblée les anti-IL1 sans corticothérapie. Les formes avec une atteinte articulaire évoluant vers la chronicité malgré les AINS et la corticothérapie seront traitées par méthotrexate et en cas d’échec seront discutés les anti-TNFs, les inhibiteurs de l’IL1 ou le tocilizumab.
Conclusion
Les dernières années ont connu un bouleversement important dans la compréhension de la physiopathologie de l’AJI et dans sa prise en charge notamment grâce à l’introduction des biothérapies qui avaient fait leurs preuves dans les rhumatismes inflammatoires de l’adulte[16]. Cependant, malgré ces progrès, de nombreuses questions restent en suspend. Il est fort probable dèjà que la dénomination AJI disparaisse dans les prochaines années avec un démembrement des différentes formes en entités distinctes avec l’amélioration de la compréhension de leur mécanismes pathogéniques. De même, la place des différents traitements biologiques ainsi que leur tolérance sur le long terme chez l’enfant sera de mieux en mieux précisée avec la publication des nombreuses études actuellement en cours[17].
Références
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2. Prince FH, Otten MH, van Suijlekom-Smit LW: Diagnosis and management of juvenile idiopathic arthritis. BMJ 2010, 341:c6434.
3. Martini A, Lovell DJ: Juvenile idiopathic arthritis: state of the art and future perspectives. Ann Rheum Dis 2010, 69(7):1260-1263.
4. Ravelli A, Martini A: Juvenile idiopathic arthritis. Lancet 2007, 369(9563):767-778.
5. Horneff G, Burgos-Vargas R: Juvenile idiopathic arthritis. Subgroup characteristics and comparisons between rheumatoid arthritis-like subgroups and ankylosing spondylitis-like subgroups. Clin Exp Rheumatol 2009, 27(4 Suppl 55):S131-138.
6. Bader-Meunier B, Wouters C, Job-Deslandre C, Cimaz R, Hofer M, Pillet P, Quartier P: [Guidelines for diagnosis and treatment of oligoarticular and polyarticular juvenile idiopathic arthritis]. Arch Pediatr 2010, 17(7):1085-1089.
7. Boros C, Whitehead B: Juvenile idiopathic arthritis. Aust Fam Physician 2010, 39(9):630-636.
8. Ruperto N, Martini A: Current medical treatments for juvenile idiopathic arthritis. Front Pharmacol 2011, 2:60.
9. Otten MH, Prince FH, Armbrust W, ten Cate R, Hoppenreijs EP, Twilt M, Koopman-Keemink Y, Gorter SL, Dolman KM, Swart JF et al: Factors associated with treatment response to etanercept in juvenile idiopathic arthritis. JAMA 2011, 306(21):2340-2347.
10. Yokota S, Imagawa T, Mori M, Miyamae T, Aihara Y, Takei S, Iwata N, Umebayashi H, Murata T, Miyoshi M et al: Efficacy and safety of tocilizumab in patients with systemic-onset juvenile idiopathic arthritis: a randomised, double-blind, placebo-controlled, withdrawal phase III trial. Lancet 2008, 371(9617):998-1006.
11. de Benedetti F, Martini A: Targeting the interleukin-6 receptor: a new treatment for systemic juvenile idiopathic arthritis? Arthritis Rheum 2005, 52(3):687-693.
12. Bongartz T: Tocilizumab for rheumatoid and juvenile idiopathic arthritis. Lancet 2008, 371(9617):961-963.
13. Martini A: Systemic juvenile idiopathic arthritis. Autoimmun Rev 2012, 12(1):56-59.
14. Ungar WJ, Costa V, Hancock-Howard R, Feldman BM, Laxer RM: Cost-effectiveness of biologics in polyarticular-course juvenile idiopathic arthritis patients unresponsive to disease-modifying antirheumatic drugs. Arthritis Care Res (Hoboken) 2011, 63(1):111-119.
15. Beukelman T, Patkar NM, Saag KG, Tolleson-Rinehart S, Cron RQ, DeWitt EM, Ilowite NT, Kimura Y, Laxer RM, Lovell DJ et al: 2011 American College of Rheumatology recommendations for the treatment of juvenile idiopathic arthritis: initiation and safety monitoring of therapeutic agents for the treatment of arthritis and systemic features. Arthritis Care Res (Hoboken) 2011, 63(4):465-482.
16. Kahn P: Juvenile idiopathic arthritis - an update on pharmacotherapy. Bull NYU Hosp Jt Dis 2011, 69(3):264-276.
17. Hashkes PJ, Uziel Y, Laxer RM: The safety profile of biologic therapies for juvenile idiopathic arthritis. Nat Rev Rheumatol 2010, 6(10):561-571.
Tableau 1 : Diagnostic différentiel d’une arthrite juvénile idiopathique.
Rhumatisme articulaire aigu post-streptococcique Connectivites : lupus systémique, sclérodermie, polydermatomyosite, péri-artérite noueuse et autres vascularites Arthrites infectieuses bactériennes et virales : hépatite, rubéole, parvovirus B19, maladie de Lyme Affections malignes : leucémies, neuroblastome Arthrite granulomateuse ou sarcoïdose à début précoce (syndrome de Blau pour les formes familiales) Maladie périodique, Maladie de Behçet, Ostéochondroses Maladie de Caffey : hyperostose corticale infantile Atteinte articulaire dans le cadre d’un déficit immunitaire (maladie de Bruton) Syndrome de Kawasaki Dystrophies synoviales : synovite villo-nodullaire Algodystrophie Ostéome ostéoïde Fibromyalgie Douleurs de croissance Pathomimie Les fièvres périodiques : déficit en mévalonate kinase, syndrome TRAPS Syndrome d’hyper IgD, syndrome de Marshall, FAPA (fièvre aphtose pharyngite adénopathies), Syndrome de Sweet, CINCA syndrome: syndrome chronique inflammatoire, neurologique, cutané, articulaire (Neonatal Onset Multisystemic Inflammatory Disease [NOMID])
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Tableau 2: classification de l’ILAR.
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Fréquence |
Age de début |
Sex ratio |
Forme systémique |
4-17% |
Toute l’enfance |
F=H |
Oligoarthrite |
25-56% |
Pic 2-4 ans |
F>>>H |
Polyarthrite FR+ |
2-7% |
Enfance tardive ou adolescence |
F>>H |
Polyarthrite FR- |
11-28% |
pics 2-4 ans et 6-12 ans |
F>>H |
Enthésite et arthrite |
3-11% |
Enfance tardive ou adolescence |
H>>F |
Rhumatisme psoriasique |
2-11% |
pics 2-4 ans et 9-11 ans |
F>>H |
Arthrite indifférenciée |
11-21% |
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