Dénutrition, cachexie et ostéoporose.
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- Mis à jour le 15 octobre 2013
Par Abdellah El Maghraoui, Service de Rhumatologie, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat, Maroc.
Introduction
Parmi les facteurs favorisant l'ostéoporose et les fractures, de nombreux travaux ont montré un rôle majeur et souvent méconnu joué par la perte de poids et de la masse musculaire et parfois de la masse grasse, qualifiées tantôt de dénutrition, fragilité, sarcopénie ou cachexie. Ces termes désignent des états de santé qui se chevauchent parfois mais qui doivent être distingués les uns des autres pour une meilleure prise en charge des malades. On parle ainsi de dénutrition quand les apports protéino-énergétiques ne suffisent pas à couvrir les besoins métaboliques de l'organisme. Elle se caractérise par un état de déficit en énergie et en protéines produisant un changement mesurable des fonctions corporelles et/ou de la composition corporelle et se manifeste par une perte de poids involontaire et une fonte musculaire(1). Comme pour la masse osseuse, il a été montré que l'être humain, à partir de quarante ans, perd en moyenne 1–2% de sa masse musculaire chaque année(2). Si, avec l'âge, cette perte entraîne une diminution des fonctions physiques, il s'agit d'une sarcopénie. La dénutrition est un facteur aggravant de cette perte physiologique liée à l'âge. Les personnes âgées sont une population extrêmement hétérogène en terme de santé. Alors que certaines personnes restent exemptes de pathologie sévère et maintiennent une activité sociale jusqu'à un âge très avancé, d'autres deviennent «fragiles». Même si la définition de la fragilité diffère selon les auteurs, on peut considérer que les personnes âgées «fragiles» présentent des limitations fonctionnelles et une baisse des capacités d'adaptation ou d'anticipation, sous l'action conjuguée du vieillissement physiologique, des maladies chroniques et du contexte de vie(3). La dénutrition est un critère important de fragilité. La cachexie enfin vient d'un mot issu du grec qui signifie littéralement « mauvaise condition ». Sa définition est encore débattue(4) mais un groupe spécialisé dans l'étude de la cachexie l'a récemment défini par une perte de poids sévère avec une perte importante de la masse musculaire et de la masse grasse et un hypercatabolisme protéique en rapport à une maladie sous jacente(5). La dénutrition joue ainsi un rôle important dans la survenue d'une cachexie, mais tous les patients dénutris ne sont pas cachectiques, alors que l'inverse est vrai.(6)
La dénutrition des personnes âgées est un problème de santé publique. La prévalence de la dénutrition est élevée aussi bien chez les personnes vivant à domicile, qu'en institution ou à l'hôpital et ses conséquences délétères sur la santé sont maintenant bien reconnues. C'est aussi une complication de nombreuses affections (cancers, sida, insuffisance cardiaque ou rénale, polyarthrite rhumatoïde...etc) dont elle marque un tournant pronostique(7) (tableau 1). Elle reste pourtant souvent méconnue, parce que les signes cliniques peuvent se confondre avec ceux de la maladie causale, qu'il n'existe pas de marqueur biologique spécifique et que la pesée est rare.
La dénutrition concernerait en France 2 à 5% des personnes âgées de 75 à 80 ans vivant à domicile, 30 à 70 % des patients âgés hospitalisés et 10 à 30% des personnes âgées vivant en institution. Ses conséquences sont graves sur le pronostic des patients puisqu'elle multiplie par 2 à 6 la morbidité infectieuse, et par 2 à 4 la mortalité(1). Elle augmente la fréquence des infections nosocomiales et des escarres et la durée du séjour hospitalier. Il a été démontré, en outre que la dénutrition est un facteur de risque important pour la survenue de chutes et de fractures ostéoporotiques(8).
Dénutrition et ostéoporose
Parmi les différents facteurs qui contribuent au développement d'une ostéoporose, les carences nutritionnelles jouent certainement un rôle très important(9, 10), surtout chez le sujet âgé. A côté des carences en calcium et en vitamine D largement étudiées, la carence en protéines a un rôle déterminant.
Un apport en protéines inférieur aux doses recommandées perturbe l'acquisition du capital osseux, mais aussi participe à la perte osseuse observée au cours du vieillissement.(11) Il existe une corrélation positive entre densité minérale osseuse (DMO) et apports protéiques.(12) Dans une étude où l'albumine sérique a été prise comme reflet des apports protéiques, une relation directe proportionnelle entre cette variable et la DMO a été montrée chez des patients avec fracture de hanche(13). D'autres études ont montré que le taux d'albumine est un marqueur pronostique chez les patients ayant présenté une fracture de hanche(14, 15). Dans un suivi longitudinal entrepris dans l'étude de Framingham, les changements de DMO au fémur proximal étaient inversement proportionnels aux apports protéiques, aussi bien chez les hommes que chez les femmes(16).
Des études expérimentales et cliniques montrent que, par l'influence qu'elles exercent sur la production et l'activité des facteurs de croissance et, plus particulièrement, du système hormone de croissance – Insulin-like Growth Factor-1 (IGF-1), les protéines alimentaires participent à l'homéostasie osseuse(17, 18). Il a été établi que la limitation des apports en protéines entraîne une diminution des concentrations plasmatiques d'IGF-1 et rend les organes cibles moins sensibles à ce médiateur(19). L'influence spécifique du déficit protéique dans la pathogénie de l'ostéoporose a été démontrée par un modèle expérimental de rattes avec des régimes pauvres en protéines, mais supplémentés en vitamines et minéraux. Il a été montré ainsi que le déficit de masse osseuse lié à la déplétion protéique était associé à une diminution des niveaux d'IGF-1(20). Dans une étude randomisée contrôlée en double aveugle contre placebo, Schurch et al.(21) ont montré qu'une supplémentation protéique pendant 6 mois chez des patients ayant fait une fracture de hanche augmentait les taux d'IGF-1, diminuait la perte osseuse fémorale et s'accompagnait d'une réduction de la durée d'hospitalisation.
La perte de masse osseuse est encore plus importante en cas de sécrétion de cytokines pro-inflammatoires. Une carence nutritionnelle en protéines peut être à l'origine d'altérations de la sécrétion d'autres cytokines, telles que l'interféron gamma, le tumor-necrosis-factor alpha (TNFα) ou le transforming growth factor beta (TGFβ). Il a été démontré chez le sujet âgé normal une augmentation entre 2 et 4 fois la normale des marqueurs inflammatoires (CRP) et des cytokines (TNFα, Interleukine 6). On est cependant bien loin des taux observés dans les syndromes inflammatoires. Cet état inflammatoire dû à l'âge appelé par certains « inflammage» est un marqueur pronostique de fragilité et de mortalité chez le sujet âgé et serait impliqué dans la perte osseuse liée à l'âge(22). En outre, l'effet modulateur exercé par les apports alimentaires sur la synthèse et l'action de ces cytokines fortement impliquées dans la régulation du remodelage osseux, explique en partie le lien unissant nutrition et métabolisme osseux(23).
Dénutrition et sarcopénie
Le terme de sarcopénie a été introduit en 1997 par Rosenberg pour décrire la perte de masse musculaire des personnes âgées(24). Cette pathologie affecte aussi bien la musculature périphérique que celle du tronc. Il n'y a pas encore de consensus sur une définition de la sarcopénie où au moins 3 composantes doivent être distinguées : la masse musculaire, la force musculaire et la fonction musculaire(3). Il a été démontré que la force musculaire n'était pas toujours corrélée à la masse musculaire et que la relation entre les deux n'était pas linéaire. La sarcopénie peut donc être définie par la perte progressive et généralisée de la masse et de la force musculaire avec un risque de complications liées à la diminution des capacités physiques. Les frontières entre modifications physiologiques et pathologiques sont cependant floues.(25) Il est fréquent de trouver chez le sujet âgé des niveaux élevés des médiateurs inflammatoires, ainsi que de nombreux cas d'anorexie, de dénutrition, d'adynamie et de dépression.(26, 27) Tous ces facteurs amplifient les effets sur la musculature. En cas de maladie aiguë, les conséquences sur la fonction musculaire sont dévastatrices chez la personne âgée et sarcopénique. Dix jours d'immobilité suffisent à réduire de 13% la force musculaire des extrémités inférieures.(28)
Aux Etats-Unis, la prévalence de la sarcopénie se situe entre 25 et 35% chez les personnes de plus de 65 ans, autonomes et en bonne santé, et elle est un peu plus élevée chez les hommes. Chez les octogénaires, 30% des femmes et 50% des hommes auraient une sarcopénie.(29, 30) Il est cependant difficile de comparer les données car il y a peu de concordance entre les différents critères diagnostiques utilisés pour retenir la sarcopénie dans ces études. Actuellement, le diagnostic de la sarcopénie s'appuie avant tout sur la mesure de la composition corporelle par absorption biphotonique à rayons X (DXA). Par analogie à l'ostéoporose, plusieurs auteurs ont proposé de définir la sarcopénie en comparant la masse musculaire du sujet (lean body mass) à la moyenne prise dans une population jeune et en bonne santé. Pour retenir la sarcopénie, il faut que l'écart entre les deux valeurs soit supérieur au double de l'écart type(31). Cette technique prend toute sa valeur dans les situations où la perte de masse musculaire s'accompagne d'une augmentation de la masse grasse. D'autres techniques permettent également d'évaluer la masse musculaire : inpédancemétrie, imagerie par résonance magnétique et tomodensitométrie. Les mesures anthropémétriques (circonférence du mollet ou du bras, épaisseur du tissu sous cutané) sont des tests faciles à utiliser en pratique clinique. Pour évaluer la force musculaire, il existe différents tests recommandés pour la pratique ou pour la recherche comme la vitesse de la marche ou le get-up-and-go test(32).
Dénutrition et fractures
Avec l'avancée dans l'âge, le vieillissement se marque par les deux phénomènes vus précédemment : l'ostéoporose et la sarcopénie qui semblent d'ailleurs liés(33). L'os vieillissant présente une moindre résistance par réduction de son contenu minéral et par altération de sa microarchitecture caractéristique de l'ostéoporose ; la diminution de l'activité physique et de la mobilité souvent secondaire à la sarcopénie favorise la chute. La dénutrition est un facteur de risque précipitant la survenue de fractures ostéoporotiques, car en plus de l'effet de la diminution des apports énergétiques, protéiques, calciques et en vitamine D sur l'os, elle favorise la propension aux chutes par l'altération de la fonction neuromusculaire(34). Ces carences aggravent la sarcopénie avec pour conséquences une faiblesse musculaire, une perturbation de la coordination des mouvements et des mécanismes de protection, du temps de réaction ou des réflexes de rétablissement. De plus, la minceur résultant de la dénutrition réduit les couches de tissus mous protectrices et expose l'os ostéoporotique à un choc de plus grande énergie en cas de chute. Les données épidémiologiques montrent qu'un tiers des sujets de plus de 65 ans chutent au moins une fois par an. La moitié d'entre eux chutent au moins deux fois. Parmi ces chutes 3 à 6% seront responsables de fractures(35). Une chute de sa hauteur représente certes un traumatisme de faible énergie, mais il est suffisant pour être à l'origine de la plupart des fractures de hanche survenant chez les sujets âgés(36). La perte de poids et la dénutrition jouent donc un rôle important dans la survenue de l'ostéoporose et la fracture de hanche. Ensrud et al. ont retrouvé que, chez près de 6800 femmes, une perte de poids de 10 % suffisait à multiplier le risque de fracture par 1,7 à six ans (IC 95 % : 1,17–2,41)(37). Une étude chez 591 patients ayant eu une fracture de hanche a noté que la prévalence de la sarcopénie (diagnostiquée par DXA) était de 64% chez les femmes et 95% chez les hommes(38). La dénutrition concerne 30 % à 60 % des personnes âgées hospitalisées pour fracture de hanche. Le plus souvent, la dénutrition est présente avant la survenue de la fracture et a participé à la survenue de la chute et de la fracture(39). Mais un état de fragilité d'origine carentielle peut retarder la récupération après fracture en prédisposant à la survenue de complications (hospitalisation prolongée, escarres, infections et mortalité)(40) ou de récidive fracturaire41.
En cas de fracture, l'intervention chirurgicale et l'hospitalisation prolongée aggravent souvent le statut nutritionnel des personnes âgées par différents facteurs : les jeûnes pré- et postopératoire, le syndrome inflammatoire secondaire au geste opératoire qui peut persister deux à quatre semaines et qui induit une anorexie et un hypercatabolisme musculaire, et enfin, l'effet de l'anxiété et du changement par rapport à l'alimentation habituelle et une prise en charge parfois insuffisante peuvent majorer l'altération de l'état nutritionnel. Ainsi, Jallut et al.(41) ont observé en postopératoire, après intervention pour une fracture de l'extrémité supérieure du fémur, que les apports énergétiques des malades sont inférieurs à leur dépense énergétique. Un patient sur deux ne consomme pas la moitié des apports énergétiques recommandés et un tiers ne consomme pas la moitié des apports protéiques recommandés. Ainsi, la fracture, l'intervention chirurgicale et la diminution des apports alimentaires aggravent un statut nutritionnel qui était souvent médiocre avant la survenue de la fracture(42).
La cachexie rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est un exemple de maladie inflammatoire chronique au cours de laquelle existe un risque théorique de cachexie, et donc pour laquelle la recherche d'une dénutrition éventuelle est importante(43). Cependant, l'importance du problème varie selon les critères retenus : Roubenoff et al. ont ainsi noté en utilisant comme critère la circonférence du bras que 67% des patients PR étaient sous le 50ème percentile d'une population de référence(44). Morley et al.(45) en retenant une définition associant une perte de poids>5%, un BMI bas, une hypoalbuminémie et une masse maigre dans les 10% les plus bas ont trouvé que 10% des patients avec PR étaient dénutris (en comparaison avec 35% des patients avec sida, 30% des patients avec cancer, 20% des patients avec broncho-pneumopathie obstructive, 40% des patients avec insuffisance rénale chronique et 20% des insuffisants cardiaques). Cette dénutrition dite « cachexie rhumatoïde » semble liée à l'activité de la maladie(46, 47) et des taux bas d'IGF-1(46). Au cours de la PR, la perte de tissu maigre de l'organisme, qui caractérise la dénutrition, est souvent compensée par le gain de graisse corporelle, de telle sorte que 85% ou plus des patients atteints de PR ont un IMC normal(48), cette situation est appelée «obésité cachectique ». Certes, la cachexie sévère avec la perte de poids conduit à une morbidité accrue et une augmentation de la mortalité, mais la perte de la masse musculaire avec un IMC normal est également associée à un mauvais pronostic(49).
De nombreuses études ont montré une augmentation du risque de chute(50), d'ostéoporose et de fractures vertébrales et non vertébrales au cours de la PR. Comme la cachexie, la prévalence de l'ostéoporose et des fractures est corrélée à la sévérité symptomatique et structurale de la maladie(51, 52). La relation entre dénutrition et ses conséquences, et l'ostéoporose paraît vraisemblable dans la PR même si aucune étude à notre connaissance n'a évalué la part qui revient à la dénutrition dans cette perte osseuse.
Les anti-TNF ont un effet freinateur sur la perte osseuse au cours de la PR. Comme les cytokines inflammatoires et notamment le TNF sont directement impliqués dans la physiopathologie de la cachexie, il semble logique d'évaluer l'effet des antiTNF sur cette complication. Les études sont cependant très rares et faites sur de petites séries de patients. Une étude a ainsi montré chez 20 patients PR et traités par antiTNF une amélioration des paramètres de la composition corporelle à 12 semaines par rapport à un groupe contrôle(53). Une autre étude menée chez 26 patients PR randomisés en 2 groupes (méthotrexate vs. méthotrexate et etanercept) a montré une amélioration des paramètres de la composition corporelle sous etanercept par rapport au groupe de patients sous méthotrexate seul à 6 mois(54). Le niveau de preuve du bénéfice des biothérapies de la PR sur la correction des altérations de la composition corporelle est faible ; leur prévention garde donc toute sa place.
Causes de la dénutrition
On peut distinguer deux types de dénutrition : la dénutrition exogène liée à un défaut d'apport énergétique et la dénutrition endogène liée à un hypercatabolisme. Cette distinction est schématique et ces dénutritions sont souvent intriquées en pratique.
Modifications physiologiques liées à l'âge :
Le vieillissement physiologique est à l'origine de divers troubles sensoriels, fonctionnels et métaboliques qui fragilisent l'organisme :
• une diminution de la sensation de faim entraînant une satiété plus rapide ;
• un ralentissement de la vidange gastrique prolongeant la sensation de satiété ;
• une diminution du goût et de l'odorat, souvent aggravée par la prise de médicaments (avec l'âge, il ne reste quasiment que les papilles gustatives au sucre ce qui explique que les patients âgés choisissent prioritairement des aliments sucrés au détriment des protéines) ;
• une dysrégulation de l'appétit avec une limitation progressive de la capacité à augmenter les apports lorsque les besoins sont accrus.
Sur ce terrain fragile, la dénutrition survient facilement.
Carence d'apport :
Plusieurs facteurs contribuent à la dénutrition par carence d'apport :
• l'isolement social (car manger est un acte social et une personne seule perd tout entrain pour des repas tristes et peu variés) ;
• le deuil, l'entrée en institution ou le changement des habitudes de vie ;
• les faibles revenus ;
• la dépression à l'origine d'une anorexie ;
• les troubles cognitifs rendant les patients incapables de faire le bon choix nutritionnel, de cuisiner, de faire les courses ou parfois même de rester à table ;
• la perte d'autonomie motrice ;
• les problèmes bucco-dentaires, mycoses, ou prothèses mal adaptées qui rendent la mastication douloureuse ;
• les troubles de la déglutition et les fausses routes ;
• la polymédication peut être responsable d'une modification du goût (diurétiques), de nausées (morphiniques) ou de sécheresse buccale (neuroleptiques) ;
• les régimes restrictifs dus à une prescription médicale (diabète, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, dyslipidémie), ou à des idées reçues ;
• l'ulcère gastroduodénal, la constipation sévère ou l'alcoolisme.
Hypermétabolisme
La dénutrition par hypermétabolisme est favorisée par de nombreuses situations cliniques: infections et maladies inflammatoires aigues ou chroniques ; défaillance d'organe (insuffisance cardiaque, rénale ou hépatique) ; destruction tissulaire (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) ; cicatrisation (fracture, escarre) ; cancer...etc (Tableau 1).
Toutes ces situations sont responsables non seulement d'un hypercatabolisme, mais aussi souvent d'une anorexie liée à l'anxiété qui en résulte. Si les apports protéino-énergétiques ne sont pas augmentés rapidement, le patient entre alors dans une véritable spirale qui peut se traduire par une issue fatale.
Diagnostic de la dénutrition
Le diagnostic de la dénutrition repose sur un faisceau d'arguments cliniques et biologiques. De nombreuses propositions de critères diagnostiques de la dénutrition et de la cachexie(5, 55) ont été élaborés par divers groupes de travail ou des sociétés savantes (tableaux 2 et 3) mais aucun consensus international n'existe pour le moment(56). Quel que soient les critères utilisés, l'essentiel est de distinguer les sujets à risque de dénutrition qui peuvent bénéficier de conseils nutritionnels précoces, les sujets dénutris qu'il est impératif de prendre en charge rapidement et les sujets cachectiques où la correction des apports nutritionnels ne suffit plus.
Les paramètres permettant le diagnostic sont les suivants :
*Les mesures corporelles :
-le poids est une mesure simple et rapide mais qui est souvent non faite. Il doit être comparé au poids de forme, précisé par l'interrogatoire. Une perte de poids involontaire >5% en moins de 6 mois est un signe d'alerte.
-le calcul de l'IMC (Indice de Masse Corporelle) : un IMC inférieur à 18 kg/m² marque une dénutrition sévère. Mais il ne faut pas oublier qu'un patient peut tout à fait être en surpoids et dénutri.
-le pli cutané tricipital évalue la masse grasse. Inférieur à 8 mm, il est fortement évocateur de dénutrition.
-la circonférence du bras évalue la masse musculaire. Une circonférence du bras inférieure à 25 cm chez l'homme et à 23 cm chez la femme est en faveur d'une diminution significative de la masse musculaire.
*le Mini Nutritional Assessment (MNA) : c'est un questionnaire basé sur la recherche de facteurs de risque de dénutrition qui permet d'identifier les personnes dénutries ou à risque de l'être. C'est un excellent outil de dépistage. Il est disponible sur Internet sous forme d'un formulaire pdf interactif (http://www.mna-elderly.com/forms/mini/mna_mini_french.pdf).
*La biologie
Un bilan biologique est nécessaire pour rechercher des signes évocateurs de carences, évaluer l'intensité de la dénutrition, et permettre le suivi de la renutrition.
-le dosage de l'albumine plasmatique : l'albumine qui a une demi-vie longue de 21 jours est un marqueur sensible mais non spécifique de la dénutrition mais c'est un facteur pronostique important de morbidité et de mortalité.
-le dosage plasmatique de la pré albumine ou transthyrétine : la pré albumine a une demi-vie courte (48 heures) qui permet le suivi de la renutrition.
Conclusion
La dénutrition est une situation fréquente et souvent méconnue chez les sujets âgés mais également dans de nombreuses situations pathologiques pouvant intéresser le rhumatologue. C'est un tournant pronostique important puisqu'elle augmente le risque de mortalité et de nombreuses complications dont les fractures ostéoporotiques. Cette dénutrition qui s'installe de manière insidieuse doit être dépistée tôt grâce à des moyens simples pour pouvoir y remédier avant le point de non retour.
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Tableau 1: principales maladies associées à la dénutrition et la cachexie.
Cancer |
Broncho-pneumopathies obstructives |
Insuffisance rénale chronique |
Insuffisance cardiaque |
Insuffisance hépatique |
Sida |
Polyarthrite rhumatoïde |
Tableau 2 : Critères de la HAS pour le diagnostic d’une dénutrition chez le sujet âgé (un ou plusieurs critères)(1).
Perte de poids involontaire≥5 % en un mois ou ≥10 % en six mois |
Indice de masse corporelle < 21 kg/m2 |
Albumine plasmatique < 35 g/L |
Score au « Mini Nutritional Assessment » (MNA) < 17 |
Tableau 3 : définition de la cachexie(55)
Perte de poids involontaire ≥5% du poids habituel ou IMC<20 Kg/m2 PLUS trois critères sur les cinq suivants : |
-Diminution de la force musculaire |
-Fatigue |
-Anorexie |
-Diminution de la masse maigre* |
-Biologie anormale : CRP élevée, hypoalbuminémie, anémie. |
*diminution du périmètre du bras >10% par rapport à l’âge et le sexe ou évaluée par la DXA <7.26 kg/m2 chez les hommes et <5.45 kg/m2 chez les femmes).
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