Apport de la vertébrothérapie
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- Mis à jour le 19 juin 2012
Encore méconnue des marocains la vertébrothérapie ou manipulations vertébrales s'intègre dans l'arsenal thérapeutique mis à la disposition de tout médecin à côté du repos du traitement médicamenteux des infiltrations cortisoniques et des méthodes de contention(1).
La manipulation vertébrale (MV) est définie par Maigne(2) comme un mouvement forcé unique et passif qui tend à entraîner les éléments articulaires au-delà de leur jeu physiologique habituel sans dépasser les limites anatomiques. Il s'agit d'un mouvement de très faible amplitude et de très haute vélocité pratiqué sur un étage intervertébral précis. Il faut penser aux manipulations vertébrales chaque fois que le malade présente une pathologie liée à un dysfonctionnement mécanique segmentaire réversible de l'unité fonctionnelle vertébrale (UFV)(3).
La manipulation vertébrale est un acte thérapeutique médical destiné à restaurer l'équilibre fonctionnel de l'UFV afin d'obtenir la suppression la plus complète possible des afférences nociceptives rapportées ou référées qui en émanent.
Les techniques utilisées sont pour la plupart ostéopathiques indirectes (utilisation des bras de levier à distance de l'articulation visée) ou semi-indirectes (utilisation d'un appui direct et d'un appui à distance). En revanche les indications sont très éloignées de celles relevant des philosophies ostéopathiques (directes) et chiropractiques.
Pour une meilleure information du corps médical le présent article se propose de faire le point sur les possibilités thérapeutiques des manipulations vertébrales leurs règles d'application leurs indications leurs limites et leurs contre-indications ainsi que les accidents parfois redoutables qu'elles peuvent provoquer.
Possibilités thérapeutiques des MV
La MV est techniquement réalisable chaque fois que le diagnostic d'une pathologie vertébrale d'étiologie mécanique est confirmé que les contre-indications cliniques biologiques et radiologiques ont été éliminées et que l'acte manipulatif lui-même est autorisé. Les principales règles d'application à respecter sont la règle de la "non-douleur et du mouvement contraire" et la notion d'un étage intervertébral précis en cause dont l'anomalie est intitulée par Maigne " dérangement intervertébral mineur " caractérisant ainsi la réversibilité habituelle de la symptomatologie clinique(2).
Toute MV qui ne peut s'effectuer dans un sens libre et non douloureux relève d'une mauvaise indication ou d'une technique inadaptée et doit être de fait interrompue.
L'intérêt d'une telle étude après un examen clinique complet notamment de l'appareil locomoteur (os articulations muscles tendons) et neurologique est de choisir la technique manipulative adéquate.
Des manœuvres de "mobilisation" (mouvements répétés progressifs et élastiques sans impulsion) et diverses techniques manuelles de contraction relâchement étirements de muscles etc) précèdent et parfois remplacent les manipulations. Le nombre de celles-ci s'échelonne entre un et cinq pour la même affection avec une fréquence de cinq jours pour les cas aigus et un intervalle de 15 à 20 jours dans les cas chroniques. L'indication d'une nouvelle manipulation va dépendre des résultats de la précédente et de ceux d'un nouvel examen clinique.
Les examens complémentaires sont indispensables à tout examen clinique vertébral. La biologie doit s'assurer de la normalité de la vitesse de sédimentation. La radiologie quant à elle demeure l'examen de sécurité indispensable avant toute manipulation. Elle doit être récente recherchant une affection traumatique infectieuse inflammatoire ou métastatique afin d'éliminer les contre-indications radiologiques à la pratique des manipulations. Une radiologie normale ainsi que des images banales d'ostéophytose de discopathie et d'anomalies lombo-sacrées préexistantes avant l'apparition du dysfonctionnement mécanique ne changent en rien la décision de pratiquer un acte de vertébrothérapie.
Indications
Les MV ne sont indiquées que si les données et les résultats de l'examen clinique biologique et radiologique sont favorables à leur réalisation. Comme toute thérapeutique la manipulation suppose un diagnostic préalable et n'est envisagée que si une origine mécanique est retenue. Chaque étage du rachis peut faire l'objet d'une manipulation.
Au niveau cervical et avant toute manipulation les tests de posture sont pratiqués afin d'éviter tout risque d'accident vasculaire du tronc vertébro-basilaire. Les meilleures indications sont représentées par les cervicalgies communes aiguës ou chroniques et les névralgies cervico-brachiales de type C5 C6 C7 et C8. Les syndromes cranio-cervicaux comportant cervicalgies céphalées occipitales syndromes pseudo-vertigineux de déséquilibre peuvent être également traitées par manipulation.
Au niveau dorsal les MV sont d'usage en cas de dorsalgie aiguë ou chronique de névralgies intercostales d'entorses costales et de certaines algies pseudo-viscérales thoraciques et thoraco-abdominales s'étageant de T6 à T12.
Le rachis lombaire est concerné par ces techniques particulièrement si le patient présente des lumbagos et des lombalgies chroniques des sciatiques discales des cruralgies et des méralgies paresthésiques. On y inclut également les coccygodynies.
Dans bon nombre de cas les MV apportent une amélioration complète de la symptomatologie malgré la présence d'une hernie discale lombaire(456) et confirment les hypothèses émises sur le rôle de la manipulation dans le traitement de la sciatique concernant l'élimination des rapports de contiguïté du conflit disco-radiculaire. En revanche la présence d'une hernie discale dorsale ou cervicale impose la plus extrême réserve quant à l'indication des MV.
Limites des manipulations
L'âge du sujet l'état osseux et vasculaire (diabète hypertension artérielle vertige ou malaise) le risque de lésions vertébro-médullaires l'état du rachis cervical et l'état psychique en particulier les névroses à expression somatique vertébrale limitent le recours aux MV.
En outre les malades sous anticoagulants ne peuvent bénéficier d'une telle technique. Il en est de même pour ceux ayant des affections même mécaniques et pour lesquelles les MV ne représentent pas le traitement le plus adapté. À noter également que chez une femme enceinte une MV ne peut être envisagée qu'après le 7e mois de grossesse.
Contre-indications
Elles ont fait l'objet d'un consensus général et certains auteurs dans un but didactique les classent en contre-indications formelles et contre-indications d'ordre technique.
* Contre-indications formelles
De graves accidents peuvent survenir si elles sont méconnues. Aussi avant d'envisager un traitement par manipulation faut-il avoir un diagnostic précis reposant sur un interrogatoire et un examen clinique radiologique et éventuellement biologique soigneux. La contre-indication majeure est l'absence d'affection vertébrale d'origine mécanique. Par ailleurs on proscrit d'une manière absolue et définitive toutes les manœuvres portant sur une colonne fragilisée par des lésions d'origine traumatique (fracture tassement avec ou sans luxation associée déchirure ligamentaire avec instabilité ...) ; tumorale (myélome métastases) ; inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde pelvispondylite rhumatismale en poussée aiguë) ; congénitale (Anomalie de la charnière cervico-occipitale) ; structurale du corps vertébral (Paget angiome kyste anévrismal ostéose décalcifiante) ; métabolique (ostéoporose importante) ou statique (scoliose > 30° ou cyphose sévère)
* Contre-indications d'ordre technique
Elles peuvent se présenter lorsque l'indication est bonne mais la règle de la non-douleur et du mouvement contraire ne peut s'appliquer (douleur réveillée lors de la mise en position ou de la mise en tension). C'est le cas de la sciatique hyperalgique et de la névralgie cervico-brachiale où la mobilisation est impossible et devant l'absence de résultats après deux manipulations.
Incidents et accidents
Dès l'exécution de la manipulation et si la manœuvre a été efficace une restauration de la mobilité et une diminution franche de la douleur sont mises en évidence et contrôlées par les tests effectués lors des examens prémanipulatifs ce qui permet une cotation objective des résultats.
Les échecs sont liés à la nature non réversible du conflit disco-radiculaire et à une mauvaise indication à une technique défectueuse et à des manipulations exécutées pour des affections sans caractère mécanique véritable.
* Incidents
Les réactions post-manipulatives passagères peuvent survenir après n'importe quelle manipulation même la plus parfaite. Elles se rencontrent chez 20 % des cas avec une sensation de fatigue et de chaleur de courbatures de crises sudorales et parfois avec une exacerbation des douleurs ayant amené à consulter. Leur durée est variable de quelques heures à quelques jours et s'observe surtout chez les neurotoniques.
* Accidents
Peu nombreux mais particulièrement redoutables au niveau cervical ils sont dus à une mauvaise indication à une technique inappropriée et redevable dans la majorité des cas à des pratiques non médicales effectuées sans diagnostic étiologique.
On insistera ici sur les complications dramatiques des MV qui sont exceptionnelles. Ils sont souvent l'apanage des non-médecins qui les pratiquent illégalement sans connaissances médicales ni formation spécifique ni possibilités diagnostiques (7).
Ils sont la conséquence des lésions vasculaires telles que le syndrome de Wallenberg et le Loked-in syndrome qui en représentent les complications majeures étant donné qu'ils peuvent mettre en cause le pronostic vital (évalués à un pour un million de manipulation de la colonne cervicale). Ils peuvent également provenir des lésions neuro-orthopédiques ayant des répercussions neurologiques souvent irrécupérables accompagnées selon les étages d'une tétraplégie ou d'une paraplégie comme c'est le cas pour le syndrome de la queue de cheval (un pour cent millions de manipulations de la colonne lombaire). Des fractures vertébrales et des surdités post-manipulatives sont également rapportées.
Ainsi on ne répétera jamais assez qu'en matière de sécurité manipulative il faut poser la bonne indication écarter toutes les contre-indications existantes lors de l'examen prémanipulatif et de faire appel à un opérateur compétent et habile sachant employer des manœuvres précises douces et indolores et capable d'utiliser d'autres méthodes de traitement quand il juge de la prématurité ou du risque d'un acte manipulatif.
Législation
Rappelons qu'en France seuls les docteurs en médecine sont habilités à pratiquer les actes de MV et tous les traitements dits d'ostéopathie de spondylothérapie de vertébrothérapie et de chiropraxie(7). Le conseil national de l'ordre des médecins français a regroupé depuis 1996 la pratique des MV sous l'intitulé commun de "Médecine Manuelle-Ostéopathie".
Sur le plan international et devant le manque d'harmonisation des législations depuis octobre 1997 la fédération internationale de médecine manuelle (FIMM) a pu dans son projet de refonte de ses statuts exiger à tous les membres des sociétés scientifiques d'être docteur en médecine.
Dans le cadre européen l'objectif est d'essayer d'harmoniser les concepts et les méthodes d'enseignement universitaire de la médecine manuelle afin que celui qui pose le diagnostic étiologique d'une rachialgie mécanique puisse entre autres traitements effectuer lui-même l'acte manipulatif.
En conclusion l'indication des MV est un tout. Elle est médicale et ne peut être isolée de son contexte clinique et des autres thérapeutiques dont dispose le médecin sous peine de tomber dans des dérives regrettables.
L'application de la vertébrothérapie et de la médecine manuelle dans des conditions médicales rigoureuses d'indication après avoir éliminé les contre-indications et lorsque son exécution est possible apporte au malade un bénéfice certain. Faut-il rappeler que " ce n'est pas la manipulation qu'il faut redouter mais le manipulateur " (2).
Bennouna (Rhumatologue vertébrothérapeute - Secteur privé Casablanca)
1- Nachemson AL Jonsson E. Le mal de dos : toujours une énigme en 2001. Rev Med Vertébrale 2001;2:4-10.
2- Maigne R. Diagnostic et traitement des douleurs communes d'origine rachidienne. Exp Scient Fr 1989:516p.
3- D'Ornano J. L'unité fonctionnelle vertébrale. Bulletin de la société française d'Ostéopathie. 10 mars 1984.
4- D'Ornano J Conrozier T Bossard D Bochu M Vignon E. Effets des manipulations vertébrales sur la hernie discale lombaire. étude tomodensitométrique à propos de 12 cas. Rev Med Orthopédique 1990;19:21-5.
5- Lecorne D Juillard J. Manipulations vertébrales dans les lombalgies. Rev Prescrire 1995;153:531-2.
6- Maigne JY. Mode d'action des manipulations vertébrales. Rev Med Orthopédique 1999;58:34-7.
7- Vautravers PH Lecocq J. Lombalgies communes et manipulations vertébrales. états des lieux. Rev Rhum 1993;60(6-7):518-23.
8- Le Corre F Rageot E. Atlas de mobilisations et manipulations vertébrales. Masson 1991:136p.
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