Arthrose digitale

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L’arthrose digitale est une lésion dégénérative des articulations digitales. Elle affecte plus particulièrement les articulations interphalangiennes distales (IPD) moins souvent proximales (IPP) rarement les metacarpo-phalangiennes. Elle est fréquente en particulier chez la femme en péri-ménopause et est plus volontiers associée à l’arthrose des genoux ou à une arthrose diffuse. Sa clinique est très variable allant de l’absence de toute douleur à un retentissement fonctionnel parfois très important. C’est un motif de consultation fréquent non seulement en raison du retentissement fonctionnel mais très souvent en raison du préjudice esthétique qui s’inscrit parfois au premier plan des préoccupations des malades. Le traitement est avant tout médical et ce n’est que dans de rares cas qu’une solution chirurgicale peut être proposée.

Rappel anatomique  [3]

Une articulation digitale est composée de deux versants phalangiens. L’IPP est située entre la 1ère et la 2ème phalange. L’IPD est située entre la 2ème et la 3ème phalange. Chaque versant est composé d’un squelette osseux recouvert de cartilage entouré d’une capsule qui est doublée à sa profondeur par la synoviale.

Epidémiologie [69]

L’atteinte des IPD est la forme la plus fréquente. La prévalence de l’arthrose digitale est de 38% chez la femme et 24% chez l’homme (la prévalence chez la femme dépasse de 50% celle observée chez l’homme toute classe d’âge confondue avant 70 ans). Cette prévalence augmente avec l’âge le terrain familial et héréditaire. L’association de l’arthrose digitale et les autres localisations de l’arthrose ne sont pas fortuites.

Etiopathogénie  [679]

1-     Les facteurs hormonaux :

 Le rôle des stéroïdes sexuels est suggéré du fait de l’incidence accrue de l’arthrose digitale chez les femmes ménopausées précocement ou artificiellement. En effet l’ensemble des données épidémiologiques confirme le pic de fréquence maximale à la ménopause mais les études expérimentales font apparaître des résultats contradictoires sur le rôle protecteur ou délétère des oestogènes sur le cartilage.

2-     Les facteurs génétiques :

Le risque relatif (RR) de survenue de l’arthrose digitale est doublé chez la sœur ; et est de 6 chez la jumelle homozygote. Le lien entre l’arthrose digitale et les antigènes HLA est évoqué avec une fréquence accrue des antigènes HLA A1 B8. Les mutations du gène du COLLAGENE 2 A1 du procollagène de type II qui forme l’essentiel du collagène du cartilage articulaire sont identifiées initialement dans les formes graves de chondrodysplasie formes précoces et évolutives d’arthroses de caractère familial.

3-     Les facteurs systémiques :

-         L’obésité : le lien entre l’obésité et l’arthrose digitale à priori surprenant est régulièrement évoqué mais s’inscrit au fait dans les relations générales entre l’obésité et des localisations d’arthrose pluri focales (RR=4).

-         Le surmenage fonctionnel pour l’arthrose des IPP (travaux répétés fins dans une atmosphère humide: coiffeur dentiste sport : baseball tennis). Il n y a aucun lien entre la survenue d’arthrose des IPD et l’activité manuelle.

-       les microtraumatismes

Physiopathologie 

La physiopathologie de l’arthrose digitale rejoint celle de l’arthrose commune : altération du cartilage modifications morphologiques de l’os sous-chondral et parfois inflammation synoviale.

Aspects cliniques 

A- Arthrose interphalangienne distale (nodosités d’Heberden) :[7 9]

C’est la localisation la plus fréquente des arthroses digitales avec un sexe ratio à 4. L’age de survenue est entre 40 à 60 ans. Son installation est habituellement insidieuse parfois entrecoupée de poussées inflammatoires. Elle concerne plus volontiers les 2ème 3ème et 4ème doigts parfois de façon symétrique.

1.      les signes fonctionnels : Ils sont  variables

-        Douleurs souvent légères parfois lancinantes de la face postérieure des articulations de caractère mécanique.

-        Modifications vasomotrices: poussées évolutives douloureuses (allure inflammatoire).

-        gêne fonctionnelle (maladresse et difficultés lors des mouvements de préhension fine)

-        Dysesthésies engourdissement des extrémités des doigts.

2.      les signes physiques :

-              La nodosité d’Heberden est faite d’une double tuméfaction de la partie postérolatérale de l’articulation déterminant des saillies arrondies de volume variable séparées par une dépression longitudinale entraînant parfois des déformations importantes (en flessum ou latéralement).

-              À la phase initiale aucune déviation n’est observée. Secondairement apparaît une flexion de la phalange distale fréquemment associée à une inclinaison latérale de l’IPD avec parfois même une torsion par rapport à l’axe longitudinal. A la palpation les nodosités sont peu sensibles et dures. Habituellement à ce stade  il n y a aucune modification tégumentaire.

-              Parfois il y a  présence de kystes mucoïdes de la face dorsale des doigts qui précèdent ou accompagnent l’évolution des nodosités d’Heberden. Ils posent un problème esthétique et comportent aussi un risque de fistulisation.

 B- Arthrose interphalangienne proximale (nodosités de Bouchard) : [67]

Les  nodosités de Bouchard sont plus rares que les nodosités d’Heberden. Ils sont associés dans 30 % des cas. L’atteinte est souvent limitée à quelques articulations parfois même à une seule. La tuméfaction revêt un aspect différent par son caractère plus global sans tuméfaction postérieure responsable d’une hypertrophie noueuse de l’articulation (Fig. 1). L’évolution se caractérise comme pour les nodosités d’Heberden par une phase initiale douloureuse. Après quelques années d’évolution la tuméfaction persiste entraînant une limitation de la flexion responsable d’une gêne fonctionnelle plus ou moins importante.

Arthrose du doigt : déformation latérale et dorsale de l'articulation

Fig. 1 : nodosités de Bouchard et d’Heberden.

 

 

 

La radiologie [15]

Elle n’est pas nécessaire au diagnostic sauf dans de rares cas de diagnostic clinique difficile et pour les études épidémiologiques. Sur les clichés de face ; au stade initial les radiographies sont normales (intérêt des clichés de profil) ou montrent des signes très discrets (fig. 2a):              

Pincement débutant de l’interligne et hypertrophie des épiphyses. Secondairement apparaissent l’ostéosclérose les géodes et surtout l’ostéophytose bien visible initialement à la base de la phalange sur sa face dorsale (fig. 2b).

(a) (b)

Fig. 2 : Pincement de l’interligne hypertrophie des épiphyses et érosions sous-chondrales (a) ; ostéophytose à la base de la phalange sur sa face dorsale (b).

Diagnostic différentiel 

Polyarthrite rhumatoïde: Elle touche les poignets et une ou plusieurs articulations métacarpophalangiennes (2ème et 3ème le plus souvent) ou IPP avec respect des IPD. Ces atteintes articulaires sont fixes et symétriques. Les douleurs sont de rythme inflammatoire. la radiographie standard objective des érosions péri-articulaires un pincement articulaire et une déminéralisation en bande épiphysaire. Rhumatisme à hydroxyapatite. Histiocytose. Goutte. Chondrocalcinose.

Les formes cliniques  [97]

A-    L’arthropathie érosive des doigts :

Ce sont des poussées congestives de l’arthrose des IPD ou IPP. Elle est caractérisée par des douleurs intenses inflammatoires avec des réveils nocturnes évoluant par poussées de plusieurs semaines.

Au plan biologique:

* la VS est modérément élevée.

      * le facteur rhumatoïde et les anticorps antinucléaires sont négatifs.

      * l’attention a été récemment attirée sur une prévalence des p-ANCA supérieure à celle observée dans la polyarthrite rhumatoïde.

      * le liquide synovial est  mécanique ou discrètement inflammatoire.

      * la recherche des microcristaux est négative.

Au plan radiologique :

Les érosions débutent à la partie centrale de l’articulation pour aboutir à une ostéolyse en cupule de la phalange distale avec effilement de la phalange proximale (fig. 3). S’y associent des signes de reconstruction et une ostéophytose comparable à celle observée dans l’arthrose commune. Dans les formes les plus sévères les pièces osseuses en regard se déforment et finissent par s’encastrer les unes dans les autres alors qu’apparaît une désaxation parfois importante. Cette poussée érosive peut émailler l’évolution plus classique d’une arthropathie digitale.

Fig. 3 : arthropathie érosive des doigts.

Pronostic 

L’atteinte est additive dans le temps. Elle est parfois invalidante par les douleurs et/ou la gêne fonctionnelle. Certains indices algofonctionnels permettent de quantifier le retentissement. L’évolution montre une régression et une diminution des douleurs dans le temps au prix de l’installation de nodules parfois déformants rarement très handicapants sur le plan fonctionnel.

Le traitement [2 4 9]

Le traitement a pour but de soulager la douleur d’éviter les déformations et de garder une bonne mobilité des doigts. En  cas de crise douloureuse; le traitement médical est indiqué. Il est basé sur les antalgiques (paracétamol : jusqu’à 4 g/) ; les anti-inflammatoires en topiques locaux et par voie orale ; les infiltrations cortisoniques et isotopiques au cours des poussées très douloureuses et résistant aux traitements habituels (il faut limiter au nombre minimal les infiltrations en ce qui concerne les arthroses digitales). Les attelles nocturnes ont un but antalgique mais en aucun cas elles ne peuvent éviter l’apparition éventuelle d’une déformation. Dans les formes érosives le methotrexate et les antipaludéens de synthèse sont indiqués. Entre les crises les anti-arthrosiques d’action lente tels la chondroitine sulfate (Chondrosulf Structum) les insaponifiables d’avocat et de soja (Piasclédine) la diacérrhéine (Art 50) peuvent être utilisés mais leur efficacité n’est pas totalement démontrée. Aussi l’injection intra articulaire d’acide hyaluronique n’est pas encore monnaie courante pour les petites articulations. La rééducation basée sur l’ergothérapie permet d’éviter les déformations. Le traitement chirurgical est discuté à cause du caractère extensif et diffus de la maladie. Il est indiqué dans l’exérèse d’un kyste mucoïde la dénervation articulaire le remplacement prothétique qui a pour but de redonner un doigt non ou peu douloureux avec une meilleure mobilité (spacers prothèses de remplacement arthrodèse). Ses indications sont donc l’échec du traitement médical ou face à des douleurs persistantes voire permanentes ; le désir du patient qui ne peut accepter une déformation inesthétique même indolore ; la nécessité de tenter de redonner une mobilité accrue à une articulation enraidie.

 
  1. Oberlin C Ed. Manuel de chirurgie du membre supérieur. Paris : Elsevier ; 2000.
  2. Oberlin C Touam C. Opponens plasty. Tech Hand Surg1999 ; 3 : 131-8.
  3. Oberlin C Frédéric Teboul. Données anatomiques utiles et examen fonctionnel de la main. Rev Rhum 2001 ; 68 : 294-303
  4. Alnot JY. Arthrose digitale : problèmes chirurgicaux. Rev Rhum 2001 ; 68 : 348-55
  5. Césari B Alnot JY. L'arthroplastie avec implant dans les arthroses interphalangiennes proximales. La main 1997 ; 2 : 85-96.
  6. Vignon E. Hand osteoarthritis and generalized osteoarthritis: a need for clarification. Osteoarthritis Cartilage 2000 ; 8 Suppl. A : S22-4.
  7. Delcambre B. Arthrose des doigts et rhizarthrose. Rev Rhum 2001 ; 68 : 339-4
  8. Cicuttini FM Spector TD. Epidémiologie de l'arthrose de la main. Rev Rhum 1995 ; 62 Suppl : 87-93.
  9. Cooper C. Egger P. Coggon D. et al. Generalized osteoarthritis in women: pattern of joint involvement and approaches to definition for epidemiological studies. J. Rheumatol. 1996 ; 23(11) : 1938-42.