Prise en charge en rééducation fonctionnelle de la polyarthrite rhumatoïde

  • Imprimer

El Mustapha El Abbassi, Lahsen Achemlal, Ahmed Bezza, Abdellah El Maghraoui.
Centre de rhumatologie et rééducation fonctionnelle, Hôpital Militaire d'Instruction Mohammed V, Rabat.

Introduction

La polyarthrite rhumatoïde est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques. La place de la rééducation fonctionnelle dans la prise en charge des patients est très importante au cours de cette maladie handicapante au long cours. La rééducation doit être précoce pour être plus efficace. Les articulations atteintes sont rééduquées en fonction des problèmes spécifiques qu'elles posent : stabilité verrouillage mobilité douleur déformations. La prescription de séances de rééducation fait suite à un bilan articulaire musculaire et fonctionnel.

Les objectifs de la rééducation

Les principaux objectifs de la rééducation de la polyarthrite rhumatoïde sont :

- préserver les mobilités articulaires fonctionnelles avec récupération d'une amplitude utile.

- la sédation et la lutte contre la douleur.

- la prévention ou la limitation des déformations.

- la lutte contre les attitudes vicieuses.

- l'entretien ou la récupération de la mobilité et de la stabilité articulaire.

- l'entretien de la trophicité musculaire.

- l'adaptation fonctionnelle à l'évolution du handicap.

Cette rééducation a pour but de freiner l'handicap en évitant l'enraidissement en faisant appel aux techniques d'ergothérapie de kinésithérapie et d'appareillage. Elle peut apporter une aide considérable aux patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde. Elle doit s'intégrer dans une stratégie thérapeutique globale de la maladie d'autant que ces modalités dépendent de plusieurs facteurs et en particulier du stade évolutif et de l'évolutivité de la maladie. La prise en charge ultérieure dépend de l'évolution et des localisations de la maladie [1].

Les bilans

La mise en place d'une stratégie thérapeutique nécessite un triple bilan :

A) Bilan d'évolutivité

Les paramètres d'activité de la maladie sont utiles au diagnostic et à l'ajustement du traitement médicamenteux mais aussi à l'adaptation du programme physique. Les principaux paramètres sont :

- le temps du dérouillage matinal ;

- le nombre de réveils nocturnes ;

- la douleur mesurée à l'aide d'une échelle visuelle analogique ;

- la douleur appréciée par l'indice articulaire qui consiste à recueillir l'intensité de la douleur à la mobilisation ou à la pression de certains sites articulaires (indice de Ritchie).

- le nombre de synovites. Il est habituel d'utiliser une réponse binaire (présence de synovites : oui / non) pour calculer le nombre de synovites.

- paramètres biologiques de l'inflammation : VS et CRP.

B) bilan analytique de l'appareil locomoteur

Pour préciser les modalités de la rééducation et pour apprécier son efficacité il est nécessaire d'évaluer notamment la mobilité la force musculaire l'endurance et la capacité aérobie.

Dans la pratique quotidienne l'appréciation est habituellement clinique.

- Les amplitudes articulaires sont mesurées à l'aide d'un goniomètre en passif et actif. S'il y a une limitation il faut en préciser la cause : raideur douloureuse rétraction des parties molles ou ankylose osseuse.

- La force peut-être évaluée par le médecin en tenant compte de l'état général du patient et de la présence d'arthropathies douloureuses satellites.

- La capacité aérobie peut-être rapidement évaluée par un test de marche. On mesure la vitesse maximale de marche sur une distance parcourue de 15 mètres (50 feet walk).

- Il faut répertorier les déformations qui siègent en particulier au niveau de la main et apprécier leur caractère réductible ou irréductible. Toutes les déformations n'ont pas le même retentissement fonctionnel. Par exemple un doigt en boutonnière est relativement bien toléré alors qu'un doigt en col de cygne devenu irréductible entraîne une gêne fonctionnelle importante.

C) bilan fonctionnel

Il évalue les incapacités et le niveau d'indépendance du malade au cours des activités de la vie quotidienne. Il est nécessaire également de mesurer l'impotence fonctionnelle. Les activités habituellement les plus limitées sont celles impliquant la préhension et la locomotion. Les deux principaux questionnaires sont l'indice de Lee et l'HAQ (Health Assessment Questionnaire).

Les moyens de Médecine Physique et de Réadaptation [23]

A) kinésithérapie

• Les massages

Les massages ont un effet sédatif décontracturant circulatoire notamment. Le massage prépare à l'acte de kinésithérapie. Les manoeuvres doivent être toujours lentes et superficielles compte tenu de la fragilité habituelle des téguments. Ils sont contre indiqués dans les poussées inflammatoires sévères. Il faut écarter toute manœuvre agressive périarticulaire.

• La rééducation musculaire

La dysfonction musculaire est la conséquence de plusieurs facteurs intriqués à des degrés divers : atrophie de non utilisation atteinte neuromusculaire inflammatoire ou iatrogène rétractions ruptures tendineuses déséquilibre de force entre les muscles. La rééducation doit être prudente. Il faut travailler autant que possible dans les limites de l'état général et sans risquer de déclencher une poussée congestive des articulations voisines ou de favoriser des ruptures tendineuses au niveau des doigts. Il est classique de limiter le travail musculaire à des contractions isométriques. Ces contractions statiques sont les mieux adaptées à l'entretien ou au renforcement musculaire. La résistance à l'effort du patient doit être manuelle le kinésithérapeute étant capable de moduler l'intensité de la résistance en fonction des capacités et de la tolérance du patient. Le travail dynamique est possible en dehors des poussées et bien toléré à condition d'être prudent et adapté. Au cours des grandes poussées inflammatoires la rééducation musculaire doit être interrompue quand les contractions statiques mêmes modérées sont douloureuses et au niveau des muscles dont les tendons sont le siège de grosses synovites.

• La rééducation articulaire

Il est beaucoup plus facile de prévenir l'installation d'une raideur voire même de certaines déformations que de récupérer une limitation d'amplitude organisée et fixée. Des techniques d'entretien et de prévention doivent donc être entreprises aussi tôt que possible.

- Moyens de prévention

• Repos articulaire en position de fonction : il faut distinguer la position antalgique (les douleurs sont moindres) et la position de fonction (c'est-à-dire celle qui permet à l'articulation de remplir correctement sa fonction). Par exemple mettre un coussin sous le genou en position couchée peut calmer les douleurs d'une arthrite de genou ou de hanche mais il est essentiel de maintenir le membre inférieur en rectitude pour prévenir l'apparition d'un flessum. Il est parfois nécessaire d'utiliser en complément des orthèses de repos (par exemple l'orthèse globale de repos de la main immobilise le poignet à 10 à 15 degrés d'extension qui correspond à la position de fonction).

• Mobilisation articulaire passive ou active aidée de courte durée guidée par le seuil de la douleur. Il est souhaitable que ces mobilisations soient quotidiennes voire biquotidiennes.

- Techniques de gains articulaires

Il s'agit de techniques qui se proposent de restaurer les amplitudes fonctionnelles et de récupérer le capital de mobilité. Elles s'adressent aux rétractions péri-articulaires récentes. Il est illusoire de vouloir corriger une déformation liée à une rétraction des structures tendineuses et capsulo-ligamentaires anciennes ou quand les déformations résultent d'une destruction des surfaces articulaires.

Les postures : il s'agit d'une attitude imposée durant une vingtaine de minutes pour réduire un flessum ou une déformation des doigts. Les postures manuelles utilisent en particulier la technique du «contracter-relâcher» les postures instrumentales utilisent des procédés divers comme les attelles articulées ou des plâtres de correction successifs.

• L'entretien de la forme physique générale

Les lésions ostéoarticulaires et les poussées de la maladie limitent souvent les possibilités d'entretien des capacités aérobies. L'exercice le plus adapté est le travail sur bicyclette ergométrique ou la marche à vitesse rapide en dehors des poussées.

B/ Adjuvants de la kinésithérapie

- la thermothérapie : l'application de chaleur sur une articulation détruite mais non inflammatoire est bénéfique mais son effet antalgique est de courte durée. Plusieurs techniques peuvent être utilisées : parafango paraffine infra rouge.....

- cryothérapie : application de froid lors des poussées congestives.

- hydrothérapie : bénéfique et bien tolérée chez la majorité des malades. La sensation de bien-être est constante associée à la possibilité d'effectuer dans l'indolence des gestes douloureux ou irréalisable à sec [4].

- électrothérapie

+Ionisations aux corticostéroïdes.

+Ultrasons : permet de décoller les adhérences tendineuses et soulager les douleurs périarticulaires.

C) L'ergothérapie

C'est la rééducation de la fonction L'ergothérapeute a pour principales activités :

• L'éducation gestuelle

La plupart des activités de préhension ont tendance à aggraver les déformations au niveau des mains en particulier la déviation ulnaire des doigts et la déformation du pouce en Z. Il faut apprendre au patient précocement à modifier ses prises afin de protéger ses articulations de sorte à prévenir ou retarder les déformations. Le terme d'économie articulaire couramment utilisé doit être remplacé par le terme d'éducation gestuelle car il ne s'agit pas de réduire les activités du patient pour «économiser ses articulations» mais de faire différemment pour les épargner.

Par exemple porter un plat avec deux mains et non pas avec une seule porter des assiettes en les reposant sur les avant bras ouvrir une boite de conserve avec un ouvre boite électrique...

• Choix et réalisation des adaptations et des aides techniques

Il faut distinguer les adaptations qui sont en fait de simples bricolages astucieux facilitant les activités quotidiennes (exemple : remplacement les boutons d'un pull par des velcros) et les aides techniques qui sont des ustensiles qui ont été élaborés pour répondre aux besoins de handicaps spécifiques (exemples : brosses à long manche enfile-bouton).

L'ergothérapeute peut favoriser l'adaptation de l'environnement des lieux de vie (choix de robinets mitigeurs des poignées de porte...).

• La confection d'orthèses simples

Correction du coup de vent cubital.

D) Orthèses et appareillage

Il convient de distinguer les orthèses de repos et les orthèses de fonction.

• Les orthèses de repos

Elles immobilisent pendant les heures de repos (la nuit et quelques heures dans la journée) les articulations pathologiques en position aussi proche que possible de la fonction. Il peut s'agir d'orthèses des mains des genoux des pieds du cou. L'orthèse globale de repos des mains qui s'étend de la moitié de l'avant bras aux deuxièmes phalanges des doigts et à la première phalange du pouce maintient le pouce en légère extension dans le plan sagittal et en rectitude dans la plan frontal le pouce étant maintenu en opposition afin d'ouvrir la 1ère commissure. Cette orthèse de repos est portée la nuit alternativement du côté droit ou du côté gauche quand elle est nécessaire de façon bilatérale et quelques heures pendant la journée. Elle est réalisée dans des matériaux thermoformables. Ces orthèses globales de repos réduisent les douleurs et le gonflement articulaire en période de poussée. Leur rôle préventif des déformations n'a pas été démontré.

• Les orthèses de fonction

Elles visent à faciliter les mouvements en stabilisant l'articulation lors des efforts plus intenses ou jouent un rôle palliatif quand les déformations et l'impotence fonctionnelle sont importantes. Ainsi par exemple des orthèses de poignet de type poignet de force (en matériau thermoformable) en cuir ou en tissu qui stabilisent le poignet peuvent faciliter le repassage d'une ménagère des activités de loisir. L'orthèse de stabilisation des articulations métacarpophalangiennes des 4 derniers doigts qui limite la déviation ulnaire et la luxation palmaire peuvent faciliter les prises dans le cas d'une atteinte évoluée et donc ont alors un rôle palliatif.

• Les orthèses plantaires et les chaussures

Elles permettent d'améliorer le confort de marche. Les orthèses plantaires sont indiquées en cas de douleurs associées aux déformations.

Des conseils de chaussage (chaussure à bout carré limitation de la hauteur du talon) doivent être systématiques. Lorsque les déformations et les douleurs sont telles que les chaussures du commerce ne permettent plus une marche assez confortable des chaussures orthopédiques sur mesure doivent être prescrites.

• L'utilisation des cannes

Par un patient souffrant de polyarthrite rhumatoïde est considérablement gênée quand il existe de gros dégâts articulaires aux membres supérieurs et en particulier aux poignets. Les cannes anglaises sont alors inadaptées. On peut avoir recours aux béquilles à appui axillaire mais celles ci peuvent entraîner des douleurs scapulaires et surtout des compressions nerveuses. C'est pourquoi pour les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde ont été mises au point des cannes à appui antibrachial et à poignée verticale.

les principales indications de la rééducation

1. Période inflammatoire aigue

· Entretien trophique et cutané et musculaire par le massage doux.

· Contractions musculaire isométriques

· Courtes séances de mobilisation en deçà du seuil douloureux.

· Cryothérapie.

· L'immobilisation des articulations inflammatoires s'impose.

· Postures en correction des attitudes vicieuses antalgiques.

· Appareils de repos pour les différentes articulations.

· Surveillance et prévention des déformations des articulations atteintes

2. Période de rémission

La rééducation lutte contre les conséquences mécaniques de la poussée inflammatoire.

Correction des déformations séquellaires tel un flessum.

Thermothérapie antalgique

Electrothérapie

Balnéothérapie

Intensification de la mobilisation et des postures.

Rééducation musculaire.

Utilisation des d'orthèses de fonction et de repos la nuit.

Remise en activité.

L'éducation gestuelle

Le bon déroulement de la rééducation nécessite parfois des infiltrations articulaires et une modification du traitement médicamenteux. Tous ces soins doivent toujours s'effectuer sous le seuil de la douleur : kinésithérapie douce progressive par séances courtes entrecoupées de repos. L'objectif de la rééducation quelque soit la période ou le stade évolutif est de conserver un maximum d'autonomie dans les activités de la vie quotidienne.

Conclusion

Il n'y a pas de rééducation standard de la polyarthrite rhumatoïde mais un ensemble de moyens qu'il faut envisager en fonction du stade évolutif de l'évolutivité de l'état général du patient et du niveau de son handicap en tenant compte également de la stratégie thérapeutique médicamenteuse et chirurgicale [5].

 

Finckh A Iversen M Liang MH. Arthritis Rheum. The exercise prescription in rheumatoid arthritis: primum non nocere. Arthritis Rheum. 2003 Sep;48(9):2393-5

Kettunen JA Kujala UM. Exercise therapy for people with rheumatoid arthritis and osteoarthritis. Scand J Med Sci Sports. 2004 Jun;14(3):138-42.

Hakkinen A. Effectiveness and safety of strength training in rheumatoid arthritis. Curr Opin Rheumatol. 2004 Mar;16(2):132-7.

Li LC Iversen MD. Outcomes of patients with rheumatoid arthritis receiving rehabilitation. Curr Opin Rheumatol. 2005 Mar;17(2):172-6.

Verhagen AP Bierma-Zeinstra SM Cardoso JR de Bie RA Boers M de Vet HC. Balneotherapy for rheumatoid arthritis. Cochrane Database Syst Rev. 2003;(4):CD000518.