L'hyperparathyroïdie

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DEFINITION

désordre généralisé du métabolisme phosphocalcique et du métabolisme osseux en rapport avec une augmentation de la sécrétion de la PTH inappropriée à la calcémie. C'est la deuxième endocrinopathie après le diabète.

La présentation clinique est très polymorphe et le rhumatologue peut être amené à faire le diagnostic d'une hyperparathyroïdie primitive dans différentes circonstances : atteinte ostéo-articulaire ou à l'occasion du bilan étiologique d'une hypercalcémie symptomatique ou de découverte systématique.

HISTORIQUE

Ostéite fibrokystique de Recklinghausen (1920)

Forme lithiasique (Albright)

Les 15 dernières années :

- dosage systématique et automatisé de la calcémie

- dosage de la PTH

EPIDEMIOLOGIE

· Incidence dans la population générale : avant 1975 : 8/100 000 actuellement : 1/1 000. On estime la prévalence à 1% si on compte les cas asyptomatiques non diagnostiqués.

· Tout âge pic vers 40- 60 ans

· 2F / 1H

ANATOMO-PATHOLOGIE

§ Adénome : 90% ý le plus souvent cellules principales (exceptionnels adénomes à cellules oxyphiles). Développé le plus souvent au dépens des parathyroïdes inférieures il est parfois encapsulé. Dans 6 à 10% des cas il est ectopique (situé dans le thymus la thyroïde sur le péricarde en paraoesophagien ou dans le médiastin ...).

L'adénome peut être multiple dans 4%.

§ Hyperplasie des 4 glandes : 10% au dépens des cellules principales

§ Carcinome : <1% ý envahissement loco-régional et plus rarement métastases (cellules principales)

PHYSIOPATHOLOGIE

- déterminants de l'hypercalcémie : c'est l'Ú de la réabsorption rénale de Ca +++ (remodelage osseux stable).

Formes normocalcémiques à réabsorption rénale de Ca normale.

Formes avec hypercalcémies sévères et symptomatiques : hyperrésorption osseuse

- déterminants de la présentation clinique : c'est la concentration en 125 diOH vit D plasmatique +++

Ú dans la forme lithiasique : sujet jeune masse néphronique Ú et réserves en vit D Ú

Ø dans l'ostéite fibrokystique : carence relative en vit D => Ca Ø PTH Ú

Ø masse fonctionnelle rénale (âge)

ETUDE CLINIQUE

1. circonstances de découverte

§ dosage systématique de la calcémie (>50%)

§ lithiases rénales

§ manifestations ostéo-articulaires

§ autres : ý signes d'hypercalcémie (digestifs neuropsychiques généraux)

ý complications (néphrocalcinose insuffisance rénale HTA)

2. manifestations ostéo-articulaires

§ osseuses : ostéite fibrokystique

q douleurs osseuses : diffuses modérées aggravées par l'effort ou la pression et calmées par le repos

parfois épisodes douloureux paroxystiques violents

q fractures : rares peu douloureuses consolident tardivement

q tuméfactions osseuses : rares uniques ou multiples taille variable

siège : os longs côtes phalanges et rebord alvéolaire des maxillaires

q déformations osseuses : cyphose dorsale désaxation des membres (genu valgum coxa vara)

q chute précoce des dents : signe évocateur (décalcification du rebord alvéolaire du maxillaire)

§ articulaires :

q la chondrocalcinose articulaire : 21% (5% des CCA ý hyperparathyroïdie)

femme > 50 ans

aucune particularité clinique ou radiologique

évolue pour son propre compte

q arthropathies destructrices :

pincement et géodes sous-chondrales

MCP face postérieure de la rotule SI

q arthralgies

3. manifestations rénales

§ Lithiases rénales : 5% ý H+PTH et 12% des formes récidivantes

Clinique : coliques néphrétiques hématurie

Parfois asymptomatiques (découverte Rx)

Phosphocalciques ou oxalocalciques

§ Néphrocalcinose : rare souvent asymptomatique

Découverte Rx : calcifications 2 – 5 mm dans le parenchyme rénal

Les lithiases et la Néphrocalcinose sont rarement vues chez le même malade.

§ Insuffisance rénale :

Organique : conséquence des lithiases rénales obstructrices et surinfectées et des néphrocalcinoses source de néphrites interstitielles et des tubulopathies.

Complication ultime et redoutable : Dc ¹ ostéodystrophie rénale.

Fonctionnelle : surtout en cas d'hypercalcémie >130 mg/l (au maximum coma hyperazotémique)

§ Les troubles tubulaires :

Sd polyuropolydypsique (parfois véritable diabète insipide)

Acidose hyperchlorémique

4. manifestations digestives

Ø signes fonctionnels : à H+Ca

nausées vomissements anorexie constipation et douleur abdominale mal systématisée

Ø signes organiques :

a) Ulcère : 10-20%

q Duodénum > estomac

q Rebelle au traitement médical (guérit à l'ablation de la tumeur)

q Mécanisme discuté :

H+Ca et H+PTH à secrétion gastrique

H+PTH à destruction des cel gastriques

H+Ca à H+Gastrine

Toujours rechercher une NEM (Sd de Zollinger-Ellison)

b) Pancréatite : < 2 %

aiguë ou chronique

H+Ca àlithiase canaliculaire

c) lithiase biliare calcique

5. Autres

q Asthénie : très fréquente 60% physique et psychique

q Manifestations neuropsychiques : 10-20% céphalées anxièté dépression irritabilité confusion démence Sd pseudomyopathique Sd pseudopolynévrétique

q Manifestations cardiovasculaires : palpitations crises de tachycardie

HTA : 1 patient/2 (augmentation des résistances périphériques activation du système rénine-angiotensine).

q Tumeur cervicale : exceptionnelle

q Calcifications : en dehors de la néphrocalcinose et la pancréatite : parties molles dépôts péricornéens visible à la LAF conjonctivales superficielles et punctiformes tympaniques source de surdité artérielles (médiacalcose)

ETUDE BIOLOGIQUE

q Bilan phosphocalcique

Ø Calcémie : augmentée

¨ Signe le plus constant

¨ >105 mg/l (262 mmol/l)

¨ toujours calculer la calcémie corrigée :

Cac (mg/l) = Ca (mg/l) + [40 - albuminémie (g/l)]

Ou mieux doser la calcémie ionisée (augmentée dans 98% des cas).

¨ Peut être normale (forme normocalcémique)

Ø Phosphorémie : diminuée 2/3 souvent normale chez les femmes ménopausées ou en cas d'insuffisance rénale.

Ø Calciurie : augmentée : > 400 mg/24h

Conséquence de l'hypercalcémie

Ø Phosphaturie : augmentée : > 800 mg/24h

Peu fiable

q Dosage la PTH : détection de la fraction intacte 1-84

Augmentée Un taux normal est élevé pour une hypercalcémie

q Autres :

Ø Phosphatases alcalines Ú 1/4

Ø OstéocalcineÚ 2/3

Ø AMPc néphrogéniqueÚ très sensible 95% mais non spécifique

(discrimine hypercalcémie secondaire à l'hyperpara des autres causes).

Ø 125 Vit D Ú dans les formes lithiasiques

Ø épreuves dynamiques : très rarement utilisées (dosage de la PTH et de l'AMPc avant et après charge calcique).

ETUDE RADIOLOGIQUE

1- Lésions élémentaires :

¨ ostéolyse corticale : qq mm – 1 cm

v résorption sous périostée à encoches corticales en « coup d'ongle » sur le profil et en lacune sur la face à aspect « vermoulu »

v résorption endostale

¨ lésions kystiques : arrondies ou ovalaires bien limitées

¨ lésions pseudo-tumorales : nodules fibro-ostéoclastiques à tumeurs brunes

à dilatation soufflure et dilatation des contours de l'os

à travées de refond (Diagnostic ¹ tumeur à myéloplaxes)

¨ hypertransparence osseuse : rachis crâne extrémités

¨ fracture

¨ déformation : incurvation d'un os long

¨ condensation : rare à hyperostéoblastose associée

· crâne : pseudo-pagétique

· rachis : vertèbre en sandwich

¨ périostose

2- lésions topographiques :

¨ mains :

· hypertransparence osseuse

· résorption sous périostée des phalanges et houppes

· images géodiques et kystiques

¨ crâne :

· hypertransparence osseuse

· ostéoporose granuleuse

· aspect cotonneux pseudo-pagétique

¨ maxillaire : disparition de la lamina dura (non spécifique)

¨ clavicule : résorption de l'extrémité externe

¨ bassin :

· lacune de grande taille à aspect de tumeur à myéloplaxes

· fissures de Looser-Milkman

¨ rachis :

· hypertransparence osseuse

· tassements vertébraux

· vertèbres en sandwich

ETUDE DENSITOMETRIQUE (Formes asymptomatiques)

DMO dans les limites de la valeur normale pour l'âge pour les vertèbres diminuée de 20 % pour le radius et intermédiaire pour le col (Silverberg et coll.).

Etude longitudinale sur 10 ans : ostéopénie corticale initiale mais la DMO n'a pas changé (Parfitt et coll.).

ETUDE HISTOLOGIQUE

BO transiliaque : raréfaction trabéculaire amincissement des corticales et porosité excessive

Histomorphométrie : haut remodelage avec accroissement des surfaces de résorption et du nombre d'ostéoclastes. Augmentation des surfaces ostéoïdes et diminution de la vitesse de minéralisation.

FORMES CLINIQUES

1- symptomatiques : 3 présentations cliniques :

· Forme lithiasique : sujets jeunes H=F PTH modérée et stable (2/3 avant 1975 actuellement autour de 20%).

· Forme osseuse : ostéite fibrokystique PTH très élevée < 5 % actuellement (20 % avant 1975).

· Forme non spécifique : continuum entre les 2 autres formes (extrêmes) âge plus avancé 3F/1H mode de présentation le plus fréquent actuellement : tableau polymorphe pouvant associer des manifestations neuropsychiques digestives cardiovasculaires rénales ou ostéoarticulaires. Cependant dans ¼ des cas cette forme est totalement asymptomatique.

2- Evolutives :

Ø Hyperparathyroïdie latente

Ø hyperparathyroïdie aiguë : hypercalcémie > 4 mmol/l mal tolérée atteinte osseuse et insuffisance rénale

ð mode de révélation habituel du carcinome

3- hyperparathyroïdie secondaire et tertiaire :

L'hyperparathyroïdie II est une hyperparathyroïdie réactionnelle à une hypocalcémie chronique (IRC et ostéomalacie). L'hyperparathyroïdie III est l'autonomisation et la différentiation d'un adénome.

4- hyperparathyroïdie normocalcémique : 2 formes

¨ hyperparathyroïdie + ostéomalacie (hyperparathyroïdie II) : Dc : concentration effondrée en 125 di OH vit D et apparition d'une hypercalcémie à la correction du déficit en vit D.

¨ hyperparathyroïdie modérée + hypercalciurie + lithiases : absence d'Ú de la réabsorption rénale de Ca : PTH très élevée (résistance rénale à la PTH).

5- les polyendocrinopathies (NEM ou néoplasies endocriniennes multiples) :

A rechercher systématiquement en cas d'hyperparathyroïdie familiale ou en cas d'adénomes multiples. 2 types de transmission autosomique dominante :

· NEM type I (Wermer): tumeurs endocrines pancréatiques et hypophysaires (gastrinome et adénome à prolactine) avec ulcère peptique et hypersecrétion gastrique (Sd de Zollinger-Ellison)

Hyperparathyroïdie dans 95 %

âge < 30-40 ans

souvent présentation comme une Hyperparathyroïdie familiale isolée

· NEM type IIa (Sipple) : cancer médullaire de la thyroïde et phéochromocytome.

Hyperparathyroïdie dans 50 % (modérée)

type IIb (Gorlin) : les lésions précédantes plus des névromes des lèvres inférieures et de la langue et un aspect marfanoïde.

DIAGNOSTIC

1. Positif : hypercalcémie + Ú PTH 1-84 intacte

2. Topographique : n'est pas nécessaire en l'absence d'ATCD de cervicotomie.

a- échodoppler : 90-97% de performance nécessite un radiologue expérimenté.

b- Scintigraphie au MIBI 99mTc et/ou au thallium : sensibilité 60-80% et spécificité 95%

c- TDM

d- IRM

e- Angiographie et prélèvements veineux sélectifs

3. Différentiel :

Ø Devant une hypertransparence osseuse :

- Ostéoporose d'autre origine

- ostéomalacie

Ø Devant un aspect fibrokystique diffus :

- maladie de paget

- dysplasie fibreuse

Ø Devant des lésions localisées d'aspect géodique kystique ou lacunaire :

- métastases

- myélome multiple

- sarcoïdose

- autre : kyste anevrysmal kyste hydatique tumeur à myéloplaxes histiocytose X

Ø Devant une hypercalcémie :

- Hypercalcémie modérée ou intermittente : hypercalciurie idiopathique (tests de freinage)

- Hypercalcémie sévère : affections malignes ( le cancer est souvent connu car phase préterminale) la PTH est Ø AMPc Ú témoignant de la présence de substances PTH-like

- Hypercalcémie modérée pauci ou asymptomatique et PTH normale : hypercalcémie familiale bénigne (affection rare de transmission autosomique dominante de connaissance récente) à contre-indique la cervicotomie

Diagnostic : Hypercalcémie dès l'âge de 10 ans + Hypercalcémie chez un autre membre de la famille

Souvent asymptomatique fréquence de la CCA

Frontière entre les 2 affections floue

TRAITEMENT

1. Chirurgical :

le seul traitement curateur +++ la cervicotomie à visée diagnostique et thérapeutique : ablation de la glande tumorale. Cette intervention nécessite un chirurgien expérimenté pour localiser d'éventuelles glandes ectopiques. Le chirurgien doit réaliser un examen extemporané de la tumeur pour s'assurer qu'il s'agit bien de tissu parathyroïdien et du caractère bénin de la tumeur.

En cas d'hyperplasie parathyroïdienne diffuse : exérèse de 3 glandes et résection partielle de la parathyroïde restante.

En cas de cancer la résection doit être large avec curage ganglionnaire.

2. Médical :

vise seulement à contrôler l'hypercalcémie

- hydratation +++

- les bisphosphonates : pamidronate (Arédia*) IV

- la calcitonine

- Le phosphore a été utilisé par voie orale pour traiter l'hypercalcémie mais ses résultats sont controversés.

les femmes ménopausées peuvent être traitées par les œstrogènes pour prévenir hyperrésorption osseuse.

3. Indications :

Chirurgie :

- manifestations osseuses ou rénales

- calcémie > 120 mg/l (3mmol/l)

- Hypercalciurie > 400 mg/24h

- ATCD d'épisodes d'hypercalcémie symptomatique

- Réduction de la clearance de la créat > 30%

- Z score < 2 DS

- Age < 50 ans

Surveillance : formes asymptomatiques

- bilan phosphocalcique / 6 mois

- DMO /an

Indications de la chirurgie lors de la surveillance des hyperparathyroïdies asymptomatiques :

- élévation progressive de la calcémie

- élévation progressive de la calciurie

- élévation progressive de la créatininémie ou diminution progressive de la clearance de la créatinine

- apparition d'un calcul ou d'une néphrocalcinose

- diminution progressive de la DMO

Résultats du traitement chirurgical :

Calcémie autour de 80 mg/l (2 mmol/l) vers J3 et se normalise progressivement

Correction si symptomatique : 1 à 2 g/j de calcium per os

Dans les formes osseuses : PTH reste Ú avec calcémie Ø parfois plusieurs mois (hungry bone syndrome : témoin de l'ostéoformation = guérison)

Dans les formes lithiasiques : persistance de l'hypercalciurie 0 – 30% (association à une hypercalciurie idiopathique)à risque de récidive

Russel et coll. (Br J Surg 1982) série de 500 patients :

q Guérison : 92%

q Hypercalcémie persistante 6%

q Hypoparathyroïdie permanente 2%

q Décès 02%

q Paralysie des cordes vocales 02%

CONCLUSION

L'hyperparathyroïdie primitive est de plus en plus fréquente à cause de la généralisation du dosage systématique de la calcémie. Les formes asymptomatiques et les formes non spécifiques sont devenues plus fréquentes que la forme osseuse.

Les indications du traitement chirurgical sont actuellement bien codifiées.